La Russie est préoccupée par la sécurité de son pré-carré
L’OCS n’est pas en mesure de déployer une force de maintien de la paix, dès lors son rôle est limité, alors que le retrait américain peut accroître "incertitudes et turbulences" dans la région, note le politologue Andrei Kadomtsev. La Russie est en revanche alliée du Tadjikistan au sein de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), note Piotr Akopov, "l’Ouzbékistan et le Turkménistan, frontaliers de l'Afghanistan, font partie de la zone d`intérêts nationaux et de responsabilité russe", affirme-t-il. En Russie, l’Afghanistan reste associé à l’intervention militaire soviétique de 1979 qui a profondément traumatisé l'opinion et accéléré la fin du régime soviétique. Le retrait des forces américaines suscite des sentiments mêlés. La propagande russe met l'accent sur l'échec de son principal adversaire à stabiliser la situation afghane, explique Kirill Krivocheev, Moscou craint toutefois que l’instabilité ne gagne l’Asie centrale.
S’agissant de l’implantation de bases US en Asie centrale, Tachkent pourrait être tenté d'accepter, selon Andrei Serenko, le Président Mirziyoyev cherche à équilibrer ses relations et, à la différence du Tadjikistan, son pays n’est pas membre de l’OTSC, il sait qu’un tel geste ne plaira pas à Moscou, mais s'en servira pour obtenir des concessions. L’accord de Douchanbé, très dépendant de la Russie, est douteux, selon ce spécialiste de l’Asie centrale, le Kirghizistan, qui a déjà accueilli une base US, est cependant déçu du soutien russe au Tadjikistan lors des incidents frontaliers récents (le Président Rakhmon était à Moscou le 9 mai) et pourrait se montrer ouvert à une offre de Washington. Autre expert interrogé par le journal Vzgliad, Alexei Malachenko anticipe que ces discussions prendront du temps, il n'exclut pas un accord sur le déploiement de militaires et d’observateurs, mais juge peu probable l'ouverture de bases américaines en territoire tadjik ou ouzbek.
Dans la crise afghane, les objectifs de la Russie et des États-Unis coïncident partiellement, analyse Kirill Krivocheev, les deux pays sont favorables à la formation d’un gouvernement de transition et à un arrêt des hostilités, mais la stratégie de Moscou demeure peu lisible et fluctuante. La Russie doit tenir compte de la proximité d'un foyer d'instabilité potentielle et tente de se ménager des leviers d'influence dans l'hypothèse où les forces centrifuges l'emporterait, maintenant un contact avec le Président Ghani et son gouvernement, considérés toutefois comme des "marionnettes" de Washington. Moscou entretient parallèlement des liens avec les différents potentats régionaux, notamment avec les groupes tadjiks et ouzbeks au nord ainsi qu'avec les Talibans au sud du pays. Le 19 mai 2021, lors d’une réunion ministérielle de l’OTSC à Douchanbé, Serguei Lavrov s'est inquiété d'un regain d’actions terroristes au nord de l'Afghanistan, il a indiqué que la Russie est prête à apporter une assistance au Tadjikistan, qui accueille la base russe 201, et à renforcer les mesures sécuritaires à la frontière avec l'Afghanistan. D'après le quotidien Kommersant, qui rapporte ces informations, Moscou aurait mis en garde les capitales d'Asie centrale contre l'utilisation de leur territoire comme "point d’appui pour contenir la Russie, la Chine et l'Inde".
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