L’Arabie saoudite aspire désespérément à un cessez-le-feu, sa politique offensive n'a pas rendu le Royaume plus sûr, affirme aussi le Christian Science Monitor. Le ministre iranien des Affaires étrangères, qui a rencontré à Mascate des responsables de la rébellion houthie, a réitéré son soutien à un cessez-le-feu et aux pourparlers inter-yéménites. La guerre civile au Yémen, qui oppose Riyad et Téhéran, les rapproche désormais, observe Andreas Krieg du King's College, "en Arabie saoudite, on a compris qu'il n'y avait pas de solution au Yémen si le levier diplomatique n'était pas actionné conjointement avec l’Iran".
Des acteurs régionaux qui revoient leurs ambitions à la baisse
Le changement de politique à Washington et le constat d'échec de la stratégie saoudienne au Yémen conduisent Mohammad ben Salman à revoir ses ambitions régionales à la baisse, estime L'Orient-le Jour, Riyad n’a plus les moyens d’une confrontation avec Téhéran. C’est aussi l’analyse du Christian Science Monitor (Riyad "n'a été gagnant ni au Yémen, ni en Syrie ni au Liban"). "Les Saoudiens sont conscients que la coalition qu’ils ont bâtie au Yémen pour contrer l'expansionnisme iranien est chancelante et qu’ils sont largement livrés à eux-mêmes", tandis qu’en Syrie, la survie du régime d'Assad est assurée par les milices iraniennes et les militaires russes, les frappes israéliennes ne pouvant changer la donne, estime aussi le Haaretz. La FAZ distingue pour sa part deux raisons, Téhéran veut prévenir la poursuite du rapprochement entre Riyad et Tel Aviv et le Président Rohani veut consolider le camp des modérés avant l'élection présidentielle de juin. "L’Arabie saoudite a trouvé une alternative à l’alliance avec Israël", titre pour sa part la Nezavissimaia gazeta, qui s'interroge sur la poursuite du rapprochement entamé par Riyad et Tel Aviv dans ce nouveau contexte.
Dans un premier temps, le dialogue saoudo-iranien devrait se concentrer sur le conflit yéménite, estiment les commentateurs, ce n’est pas un enjeu essentiel pour l’Iran, éloigné de cette crise, et qui peut accepter des concessions, le Yémen sera donc "le baromètre du caractère sérieux de la détente" entre Riyad et Téhéran, selon le Christian Science Monitor, la question étant cependant de savoir si l’Iran est en mesure de convaincre les Houthis, très attachés à leur indépendance, d’accepter des compromis. Les questions liées à la sécurité maritime dans le Golfe, dans lesquelles Washington s’est aussi beaucoup investi, de même que la problématique de l’anti-terrorisme (al Qaeda, Daech), qui concerne les deux pays, devraient logiquement figurer à l’ordre du jour des futures discussions, poursuit le CSM. Les sujets plus délicats, comme l’Irak, la Syrie et le Liban, pays arabes où vivent des communautés chiites importantes, soutenues par Téhéran, pourraient être abordés ensuite. L’objectif des Saoudiens, selon le Haaretz, pourrait être d'instaurer avec l’Iran une sorte de statu quo comparable à celui qui existe entre la Turquie et l’Iran, qui prévient l’escalade sans éliminer les désaccords. Plus que d’un "rapprochement", le quotidien égyptien al-Ahram préfère parler de "trêve" entre deux régimes qui défendent des visions et des intérêts "diamétralement opposés" dans cette région.
Analysant le rôle de l’Irak, Katherine Harvey et Bruce Riedel, chercheurs à la Brookings, jugent naturel que Bagdad s’emploie à réduire la confrontation entre Riyad et Téhéran, dont il est la victime immédiate. Ils s’interrogent sur les intentions de ces deux protagonistes et sur la capacité de Bagdad à assumer une fonction de médiateur, estimant que l’Irak ne dispose pas encore des leviers suffisants pour favoriser les discussions, mais saluent cette dynamique et son retour comme acteur majeur de la scène régionale, qui deviendrait alors triangulaire et non plus bipolaire. Les experts de la Brookings invitent le Président Biden, qui fait du retour de la paix au Yémen une priorité, à appuyer discrètement les efforts irakiens.
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