Le réseaux social a, sur des pages entières de journaux, fait valoir que la mise à jour serait "dévastatrice pour les petites entreprises", une autre campagne "altruiste" dont on ne peut s’empêcher de penser qu’elle sert aussi les intérêts des géants de la tech.
La mise à jour iOS, comme les débats qu’elle suscite, est un rappel de la puissance d’Apple, véritable monopole technologique qui peut brusquement bouleverser le modèle économique et les opérations d’un secteur entier. Même si, en l’occurrence, Apple s’est placé du bon côté du débat sur la publicité ciblée avec cette mise à jour, celle-ci illustre aussi la puissance et l’autonomie des géants de la tech dans l’économie d’Internet.
Les revenus publicitaires n’ont pas toujours été le moteur d’Internet. Quels autres options existaient au début des années 1990 et pourquoi selon vous le modèle économique fondé sur la publicité a-t-il triomphé ?
Paul Hermelin :
Le Worldwide Web que nous connaissons doit sa naissance à une coopération assez unique entre le Pentagone et les universités américaines. La "Internet Society" a été fondée en 1992 en tant qu’association à but non-lucratif afin de développer des standards, des formations, des accès et une politique pour Internet. Certains ingénieurs ont très vite saisi le potentiel de ce nouveau moyen de communication.
Je me souviens que certains experts informatiques français se sont rendus aux États-Unis en 1994 pour rencontrer les pionniers d’Internet et les convaincre qu’ils étaient parvenus à un modèle économique stable avec le Minitel français - dont les services étaient financés par des micropaiements collectés par France Telecom (un monopole à l’époque). Ce modèle a immédiatement été rejeté car les Américains détestaient l’idée d’une organisation autour de grands opérateurs des télécommunications, et parce que la publicité était plus acceptée, comme l’attestait à l’époque la domination des chaînes de télévision commerciales sur le marché américain. Ces chaînes étaient encore assez jeunes en Europe, et moins populaires, alors qu’elles étaient déjà non seulement nombreuses, mais même la norme aux États-Unis. De manière surprenante, la puissance des opérateurs de télécommunications était vue comme une menace, et l’approche publicitaire perçue comme plus respectueuse des choix des consommateurs.
Nous étions alors à l’aube d’Internet et n’avions pas imaginé que la collecte de données via les cookies et la puissance des moteurs de recherche et des navigateurs mènerait à la domination de certains acteurs. Quand on utilise un service gratuitement, c’est qu’on est soi-même un "produit", ce qu’on n’avait pas compris à l’époque.
À votre avis, les acteurs d’Internet peuvent-ils changer leur modèle économique fondé sur la collecte des données et la publicité ?
Paul Hermelin :
On considère généralement les "GAFAM" comme un consortium uni, mais ce n’est pas le cas. Apple défend une approche selon laquelle la publicité peut être éliminée via un paramétrage de son système d’exploitation, ce qui a mené Facebook à réagir et suggérer que les utilisateurs d’iOS refusant la collecte des données, et donc la publicité, pourraient être amenés à payer un abonnement pour accéder aux services de Facebook.
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