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25/09/2018

Revenu universel d’activité : de quoi parle-t-on ?

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Revenu universel d’activité : de quoi parle-t-on ?
 Victor Poirier
Auteur
Ancien directeur des publications

Un revenu universel, vraiment ? Emmanuel Macron a présenté la stratégie nationale de prévention de lutte contre la pauvreté. Loin d’être un "virage social", selon le président, cette stratégie s’inscrit dans la lignée de son discours électoral ainsi que des réformes menées depuis plus d’un an (dédoublement des classes de CP, CE1 dans les écoles des quartiers les plus pauvres, instruction obligatoire dès trois ans, hausse de l’allocation adulte handicapé, hausse du minimum vieillesse, etc). Parmi les nombreuses mesures annoncées pour réformer le système social, celle visant à mettre en place un "revenu universel d’activité" rejoint l’une des recommandations de l’Institut Montaigne dans son rapport Protection sociale : une mise à jour vitale (mars 2018). Explications et mode d’emploi d’une mesure promettant un chantier de grande ampleur au sein de notre système social.

Quel est l’état de notre système social ?

La complexité de notre protection sociale conduit à une utilisation sous-optimale des ressources qui y sont consacrées. Notre système est aujourd’hui :

  • Coûteux : 700 milliards d’euros, soit un tiers du PIB français, sont chaque année consacrés à notre système de protection sociale ;
  • Illisible : il est composé de dizaines de prestations sociales différentes que l’on distingue selon qu’elles relèvent de la solidarité nationale (le revenu de solidarité active (RSA), l’aide personnalisée au logement (APL) ou encore la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ou bien de la logique assurantielle (retraite, santé, chômage, famille)) ;
  • Injuste : les pouvoirs publics ont anticipé pour 2016 un taux de non-recours de 50 % pour la prime d’activité quand le taux effectif de non recours au RSA est de 36 % ;
  • Inefficace : 14 % de la population française est aujourd’hui touchée par la pauvreté.

Lutte contre la pauvreté : quelles mesures ?

Estimée à huit milliards d’euros sur quatre ans, la stratégie présentée par le président de la République se décompose en trois axes principaux : 

  • Action pour la petite enfance : avec la promesse d’un fonds d’innovation de 100 millions d’euros permettant l’ouverture de nouvelles crèches et un meilleur accueil des enfants ;
  • Accompagnement vers l’emploi : avec la création d’un véritable service public de l’insertion, l’extension de dispositifs de formation et d’aide à destination des jeunes ;
  • Simplification du système social.

Le président entend réformer le système social pour le rendre plus souple et adapté aux besoins des citoyens. Dans une optique de simplification, Emmanuel Macron entend remettre à plat le "maquis de minima sociaux" dont l’illisibilité entraîne un taux moyen de non-recours de près de 30 % en instaurant, d’ici à 2020, un "revenu universel d'activité", fusion "du plus grand nombre possible de prestations sociales" et entièrement à la responsabilité de l’Etat. 

Quel mode d'emploi ?

Revenu universel d’activité : que faut-il en penser ?

Partant du constat d’un système social illisible et inefficient au regard des sommes engagées, l’Institut Montaigne recommandait, dans son dernier rapport :

  • Dans un premier temps,  la mise en place d’un versement social unique des différentes prestations sociales grâce aux technologies numériques appliquées à l’administration ;
  • Dans un second temps, la fusion des prestations sociales au sein d’une allocation sociale unique de sécurité sociale, ajustable en temps réel selon l'évolution de la situation de la personne.

L’allocation sociale unique que défend l’Institut Montaigne part du même constat que celui dressé par le président. Elle a pour objectif de lutter contre la précarité en mettant fin aux asymétries d’informations et en redirigeant les ressources de façon plus efficiente, vers ceux qui en ont besoin. Toutefois, la sémantique utilisée par l’exécutif - "universel" - est trompeuse. Il s’agirait en effet de mettre en place une allocation assortie de droits et de devoirs pour les personnes dans le besoin et non un revenu sans conditions, véritablement universel, comme le proposait par exemple Benoît Hamon lors de la campagne pour les présidentielles en 2017

Quels avantages ?

Revenu universel d’activité : que faut-il en penser ?
  • L’Institut Montaigne défend fermement l’objectif d’un taux de recours aux prestations sociales de 100 %. Une telle allocation unique permettrait d’atteindre cet objectif et rendrait plus transparents les droits dont peuvent bénéficier les citoyens, contribuant à davantage de justice sociale ; 
  • Si les dépenses sociales sont amenées à augmenter sous l’effet d’une telle mesure, des économies sont également à prévoir, notamment en raison de l’impossibilité de fraude sociale aux allocations ainsi que la fin des indus et erreurs constatées chaque année et qui s‘élèvent à plus de 3 milliards d’euros par an (estimées à 2,7 milliards d’euros d’indus pour la Cnaf (Caisse nationale d’allocations familiales) et à 74 millions d’euros pour la MSA (Mutualité sociale agricole) ;
  • Enfin, un tel revenu permettrait de calculer les prestations sociales en prenant en compte les revenus des bénéficiaires de l’année en cours, et non plus les revenus passés. Plus proche de la situation des allocataires, il correspondrait ainsi mieux à leurs besoins.

De nombreuses étapes doivent encore être franchies avant la réelle mise en place d’une telle allocation. Il s’agirait ainsi d’harmoniser les périmètres et bases de calcul des ressources prises en compte et de mettre en commun les informations entre les administrations selon le principe "dites-le nous une fois", ce qui pourrait passer par la création d’un guichet unique pour centraliser les demandes. L’utilisation des nouvelles technologies permettra de gérer la gouvernance et le financement d’une telle allocation. Plus généralement, celles-ci représentent un outil à même d’assurer le bon fonctionnement d’un système modernisé de protection sociale.

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