Alors que l’avenir des finances publiques françaises comme celui du système de retraites se sont considérablement assombris en l’espace de quelques semaines, les inquiétudes se confirment. Premièrement, car le ratio "dépenses de retraites / PIB" dépassera déjà largement cette année 14 %, soit le seuil maximal que s’était fixé le gouvernement. Mais cela n’est qu’anecdotique (et "mathématique", puisque dû à une baisse du dénominateur, à savoir le PIB).
Le véritable enjeu réside dans l’incapacité de la réforme systémique, telle qu’elle était envisagée avant la crise, de remettre à flot le solde financier. La réforme discutée jusqu’ici n’avait pas pour objectif principal de rééquilibrer le système de retraites, mais elle ne peut en faire l’économie, sous peine de ne pas en assurer la viabilité. Dès lors, sans incitation à travailler plus longtemps - ce qui permettrait de cumuler le bénéfice de cotisations supplémentaires et celui d’un moindre nombre de pensions versées -, il sera tout simplement impossible de financer à la fois des pensions stables et de garantir la bonne santé financière du régime.
L’idée d’âge d'équilibre à 64 ans à horizon 2027, avec un système de décote-surcote, était la seule - maigre - mesure visant à augmenter les ressources du système de retraites contenue dans le projet de réforme. Elle semblait déjà insuffisante pour permettre au système de retraites de retrouver l’équilibre financier avant 2040. Particulièrement impopulaire, celle-ci serait désormais en suspens. Son retrait du texte signifierait qu’aucune disposition de la réforme n’aurait pour objectif de résorber le déficit du régime, alors que celui-ci s’est aggravé de plus de 25 milliards d’euros en l’espace de quelques semaines. L’enjeu de viabilité financière du système était déjà primordial mais largement ignoré avant la crise ; il sera désormais plus difficile encore de ne pas aborder "l’éléphant dans la pièce".
La génération sacrifiée
Le mécanisme de solidarité, fondement de notre système de retraites, accentue l’idée d’un "transfert à l’envers", des jeunes générations vers les plus âgées. Ce transfert était déjà problématique avant la crise, du fait d’un contexte démographique marqué par le vieillissement de la population et par une espérance de vie en hausse continue : il devient désormais insoutenable, car il fait supporter aux générations les plus en difficulté une charge considérable, encore plus importante qu’avant, elles qui ont acceptées l’arrêt de l’économie en solidarité avec les plus âgés et qui vont devoir faire face à une crise supplémentaire dont nous n’avons pour l’instant pu distinguer que les prémisses.
S’il est indéniable qu’un effort des actifs sera nécessaire pour endiguer la crise économique, comment imaginer que cet effort ne soit pas partagé avec les retraités qui verront leurs pensions moyennes augmenter, tandis que la population active verrait son revenu moyen - et son pouvoir d’achat - baisser drastiquement ?
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