Une version encore plus ambitieuse de ce SPV aurait une licence bancaire et aurait ainsi accès à la BCE et son système de règlement-livraison interbancaire Target. Le but explicite d’un tel véhicule serait de contourner complètement le circuit dollar, de permettre à l’Iran de libeller ses exportations de pétrole en euros et ainsi de pouvoir acheter des biens et services facturés en euros.
La volonté politique exprimée par ce projet — à ce stade, ce n’est qu’un projet — est aussi nécessaire que louable, mais son efficacité est discutable. Le principal argument des États-Unis est de type dissuasif : "si vous faites des affaires avec l’Iran, attendez-vous à de grosses difficultés pour en faire aux États-Unis". Que l’énoncé brutal de cette loi du plus fort soit choquant n’enlève rien à son efficacité, et l’on voit mal comment des entreprises européennes pourraient l’ignorer, à part, peut-être, certaines entreprises spécialisées sur le marché iranien.
Jean-Claude Juncker explique qu’il est absurde que l’UE doive payer son pétrole en dollars et appelle à faire de l’euro un instrument de souveraineté de l’Europe. Pensez-vous que ce soit possible et à quel horizon ?
Cela fait bien longtemps que la France dénonce le "privilège exorbitant" que le rôle de monnaie mondiale du dollar américain confère aux États-Unis, sans que cette dénonciation ne se soit accompagnée de propositions réalistes pour le réduire. Le lancement de l’euro a relancé cet objectif, aujourd’hui repris par les fédéralistes comme Jean-Claude Juncker, mais aussi évoqué par certains politiques allemands, sensibles aux opportunités commerciales offertes par le marché iranien. Pour autant, il y a loin de la coupe aux lèvres. Il est vrai que le dollar américain est LA monnaie de réserve internationale, dans un sens qui va plus loin que la seule détention de réserves de change par les banques centrales des différents pays du monde. C’est la Réserve fédérale américaine (Fed) qui est, de facto plutôt que de juris, le pourvoyeur en dernier ressort de la liquidité nécessaire au fonctionnement des marchés financiers mondiaux. On l’a bien vu fin 2008 lorsque, pour éviter l’effondrement financier international qu’aurait provoqué l’intense demande mondiale de dollars si elle n’avait pas été satisfaite, la Fed a ouvert des lignes de swaps illimités avec un grand nombre de banques centrales, dont la BCE et la Banque Nationale de Suisse. De son côté, la BCE, qui utilisa ces lignes de swaps pour les besoins des banques européennes, s’est montrée très prudente lorsqu’il s’est agi de demande d’euros, comme en témoigne ses réticences vis-à-vis de la Hongrie, de la Pologne et de la Lettonie à la même période. On ne saurait le lui reprocher, car, à la différence de la Fed ou de la PBC (banque centrale chinoise), la BCE n’est pas garantie par un Etat, et doit constamment se poser la question des risques posés par ses décisions d’octroi de liquidités, ou d’acquisition d’actifs.
Ajouter un commentaire