Enfin, l’adoption à l’unanimité par l’UE d’une stratégie qualifiant la Chine de "rival systémique" est une étape décisive dans les relations UE-Chine.
L’Europe et les États-Unis font tous deux face à une Chine fermée et rigide, qui continue à exacerber les tensions dans l’Indo-Pacifique tout en accroissant sans relâche des capacités militaires conçues pour intimider ses voisins proches ou lointains. Il y a là une douloureuse leçon à tirer : la stratégie d’engagement avec la Chine poursuivie par l’Europe au moyen de multiples dialogues ces dernières années n’a pas abouti à des résultats fructueux. Et du côté américain, la quasi-suspension des échanges avec la Chine, qui s’est accompagnée de contre-mesures principalement bilatérales, a peut-être affaibli cette dernière mais n’a pas non plus infléchi sa trajectoire.
Les mesures défensives adoptées en première réponse par les États-Unis et l’Europe méritent d'être débattues et coordonnées quant à leur efficacité : il est frappant de constater que nombre d’entreprises, qu’elles soient américaines ou européennes, ne s’engagent pas résolument dans la voie d’un désengagement ou d’un découplage avec la Chine. Elles sont en train, au contraire, de conserver voire souvent d'accroître leur mise au sein de l’économie chinoise, pendant que cette même économie chinoise, certes lourdement endettée (mais peut-être pas davantage que nombre d’économies occidentales depuis l’arrivée de la pandémie), a retrouvé une certaine aisance financière en cette année 2020, grâce à un excédent commercial record et un rebond positif de la balance courante, et ce en dépit de l’augmentation de ses achat d’actifs financiers étrangers.
Le modèle économique asymétrique de la Chine et ses manquements à nombre de règles internationales appellent une réponse efficace, et en particulier une meilleure coordination transatlantique sur les questions politiques. Face au besoin criant d’une approche unifiée à l’égard de la Chine, les efforts récents des États-Unis pour cibler leurs partenaires européens au moyen de surtaxes douanières ne constituent guère une aide. Mettre un terme à ces droits de douane mis en place contre plusieurs secteurs européens - de l’acier et l’aluminium aux cosmétiques, produits de luxe, et certains produits alimentaires et alcools - apparaît comme urgent dans la perspective d’une coordination économique transatlantique vis-à-vis de la Chine.
Au-delà de cette priorité, et en l’absence d’accords commerciaux comme l’accord de partenariat transpacifique (TPP) ou le Traité de libre-échange transatlantique (TTIP), les Européens comme les Américains ont besoin de mieux s’entendre sur certains dossiers historiquement sujets à des désaccords, à l’image du secteur de l’aviation, de la régulation des géants du numérique, ou des normes encadrant le transfert et le stockage des données. Sur ces fronts, la convergence et la coordination sont préférables à l’usage d’instruments extraterritoriaux. Renouveler la coopération transatlantique en matière de lutte contre le changement climatique est une autre exigence essentielle. Actuellement, l’écart est plus rhétorique que réel au regard des trajectoires énergétiques de chacune des deux parties, mais il accentue l’incompréhension mutuelle.
Ce programme de coopération peut sembler ne concerner qu’indirectement la Chine. Il n’en demeure pas moins essentiel : le fait que la Chine soit le principal partenaire, concurrent, rival des États-Unis ou de l’UE - ou des deux - est une réalité de plus en plus patente. Chacune des divergences entre les États-Unis et l’Europe renforce la capacité de la Chine à résister à un changement systémique de son modèle économique étatiste.
Sur des enjeux majeurs concernant les droits de l’Homme et les valeurs, on peut soutenir à la tribune de l’ONU le constat que les agissements de la Chine envers ses minorités religieuses et ethniques violent non seulement les droits de l’Homme les plus élémentaires, mais peuvent également être des éléments constitutifs d’un génocide. Une approche transatlantique commune faciliterait la réaction à cet outrage.
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