Une guerre de civilisations
Mais le retour d'une Amérique plus normale ne signifie pas le retour à la normale, au sens nostalgique d'hier. La relation transatlantique ne redeviendra pas ce qu'elle a été, parce qu'un nouvel acteur majeur s'est imposé sur la scène internationale, avec détermination et les moyens de ses ambitions. La guerre froide d'hier était une guerre civile et idéologique entre Occidentaux. Face à l'URSS, l'Amérique voyait dans l'Europe, ne serait-ce que géographiquement, sa première ligne de défense. Et pour l'Europe, l'Amérique constituait une forme d'assurance-vie ultime. Face à la Chine, tout a changé, d'autant que l'Europe n'intéresse guère les Américains, qui n'ont plus les liens culturels et historiques qu'ils avaient hier avec le Vieux Continent. La guerre civile entre Occidentaux a laissé place à un conflit de civilisations, dans lequel l'Amérique a moins besoin de l'Europe, et où l'Europe nourrit encore l'espoir (certains diraient l'illusion) de pouvoir jouer un rôle presque indépendant de balancier entre Confucius et l'Oncle Sam.
Si la relation transatlantique redémarre sur des bases plus saines avec Biden, il serait donc dangereux de l'aborder avec les références et les clés de lecture d'hier. "In a couple, three is a crowd", remarquait avec amertume Lady D. La formule peut s'appliquer à l'Alliance, avec la Chine dans le rôle de l'intrus dans le couple.
Du Moyen-Orient à l'Asie, il y aura certes plus que des nuances entre la politique étrangère de Trump et celle de Biden. Élu quarante-sixième président des États-Unis, Joe Biden cherchera à retrouver une position plus équilibrée entre l'Arabie saoudite et l'Iran, prendra ses distances avec les politiques d'implantations israéliennes. Mais ce seront des différences à la marge. L'essentiel est ailleurs. L'Amérique ne veut pas redevenir un acteur décisif majeur dans une région qui lui a beaucoup coûté en argent comme en vies humaines et qui lui a très peu rapporté.
Rebâtir des ponts
À l'égard de la Chine et de la Russie, le style sera certes très différent, mais sur le fond, là encore, les différences seront peu significatives. Biden évitera de donner l'impression de "flirter" avec des régimes autoritaires, mais le mélange de fermeté et d'ouverture continuera de s'imposer.
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