Toutes choses égales par ailleurs, l’inflation signifie également une hausse potentielle des recettes publiques. Dans ces conditions, ces mesures d’urgence de pouvoir d’achat pourraient - dans un premier temps - ne pas accroître le déficit public (en % du PIB).
Ceci étant dit, ces dépenses supplémentaires s’inscrivent dans une trajectoire inquiétante pour les finances publiques de notre pays. La Cour des comptes le soulignait récemment, même hors mesures de soutien et de relance liées à la crise, l’augmentation des dépenses de l’État - + 5,1 % en 2021 - est bien réelle et ce tendanciel croissant des dépenses constitue un vrai risque pour la crédibilité de la signature française. À cet égard, pour la première fois depuis plus de 10 ans, les intérêts de la dette ont même augmenté - de près de 2 milliards d’euros en 2021 - alors même que la Banque centrale européenne a annoncé en juin dernier un relèvement de ses taux d’intérêt directeurs dès juillet prochain afin de lutter contre l’inflation.
Toutefois, il convient également de garder un œil sur le cycle économique : un choc d’offre à l’horizon de la fin d’année est hautement probable, ce qui pourrait nous conduire dans une phase de récession. Dès lors, conduire une politique budgétaire restrictive visant à consolider d’ores et déjà nos finances publiques pourrait s’avérer contre-productive voire nuisible. La ligne de crête - entre inflation et cycle économique - est donc mince et nécessite un pilotage accru de nos finances publiques.
Pérennisation et triplement du plafond de la PEPA : la fausse bonne idée ?
Revenons sur la Prime exceptionnelle pour le pouvoir d’achat (PEPA). Si la mesure semble, de prime abord, particulièrement intéressante pour le pouvoir d’achat des salariés, la pérennisation et le triplement du plafond de la PEPA constituent aussi un risque certain : celui de cannibaliser les dispositifs d’intéressement et de participation, pourtant seuls outils capables de répondre efficacement au problème du partage de la valeur.
Dans un rapport publié hier, Partage de la valeur : salariés, entreprises, tous gagnants !, l’Institut Montaigne souligne en effet le risque parasitaire d’une pérennisation et d’un élargissement du recours de la PEPA sur les dispositifs de partage de la valeur en France.
Tout d’abord, la PEPA représente un risque à court terme en se substituant aux primes ordinaires et aux salaires. Une étude de l’Insee a d’ailleurs montré qu’en 2019, la distribution de la PEPA a effectivement remplacé des hausses de rémunération et le versement de primes individuelles dans le secteur privé. Au lendemain de la crise des Gilets jaunes, c’est ainsi entre 15 et 40 % des 2 milliards d’euros versés au titre de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat qui se seraient substitués à des rémunérations qui auraient été versées quoiqu’il arrive, à savoir des primes ou des augmentations de salaire. Et ces substitutions ne sont pas anodines : les primes individuelles versées par les employeurs sont ainsi prises en compte dans le calcul des droits à la retraite des salariés - alors que la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ne l’est pas - et sont soumises à l’impôt, contrairement à la PEPA..
Les risques de cannibalisation de cette mesure sont toutefois particulièrement significatifs sur les dispositifs qui distinguent la France du reste du monde en matière de partage de la valeur : l’intéressement et la participation. La PEPA, qui possède d’indéniables avantages socio-fiscaux - elle n’est pas soumise au forfait social, ni aux prélèvement sociaux, ni à l’impôt sur le revenu - constitue ainsi une véritable concurrence déloyale à l’intéressement et à la participation dont les objectifs sont pourtant bien plus ambitieux : partager durablement la valeur créée entre les entreprises et les salariés.
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