La comparaison avec l'Espagne à la fin du régime de Franco au milieu des années 1970 vient doublement à l'esprit. Dans les deux cas, on trouve un homme plus mort que vivant, que l'on cherche désespérément à maintenir artificiellement en vie le plus longtemps possible, et un pays qui est paralysé par la peur du retour d'une guerre civile, particulièrement longue et sanglante.
Sclérose totale
La Guerre est finie. Le titre d'un très beau film d'Alain Resnais s'appliquera-t-il avec autant de justesse à la situation de l'Algérie d'aujourd'hui qu'à celle de l'Espagne d'hier ? C'est la question essentielle. Pendant plus de vingt ans, les images de la guerre civile algérienne sont venues hanter l'imaginaire de ses voisins marocain et tunisien et ont agi de fait comme une forme de dissuasion stabilisatrice."Nous ne sommes peut-être pas satisfaits de nos dirigeants, mais nous ne voulons pas prendre le risque de sombrer dans une violence à l'algérienne", les entendait-on dire souvent.
Aujourd'hui, ce sont les Algériens eux-mêmes qui se posent cette question et semblent prêts à franchir le pas. Trop, c'est trop. La sclérose totale du régime explique cette évolution. Pour le dire autrement, trop d'humiliation fait oublier la peur. Heureusement, mais cela peut rendre la situation plus difficile encore à gérer pour le régime, la contestation est venue des universités et non pas des mosquées, des frustrés de la liberté et pas des tenants du fondamentalisme.
Un pays jeune représenté par un vieillard
De fait les Algériens ont déjà commencé à voter, pas dans les urnes, mais avec leurs pieds. En 2017-2018 des Algériens en grand nombre ont demandé des visas pour aller vivre en France. Puisqu'il leur est impossible de changer le régime, il leur faut se résigner à changer de pays. L'Algérie à ce rythme manquera cruellement de médecins, d'avocats, d'enseignants, parce que ce sont souvent les plus éduqués qui partent.
Comment ne pas penser, au vu des derniers événements, à ce film réalisé en 1965, par le cinéaste italien Gillo Pontecorvo, La Bataille d'Alger. Il s'agissait d'une oeuvre engagée qui prenait le point de vue du FLN (Front de libération nationale) et qui fut initialement interdite en France. Les combattants du FLN toujours en vie, qui s'étaient engagés dans une guerre si cruelle, ne se sentent-ils pas humiliés par les images de cette jeunesse qui se battait hier pour son indépendance et qui le fait aujourd'hui pour sa dignité ? Comment un si jeune pays dans tous les sens du terme - entre la date d'accès à son indépendance et la composition de sa population - peut-il se résigner à être représenté par un vieillard impotent ?
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