D’abord parce que la région ne s’impose pas comme une échelle réellement pertinente, elle englobe des problématiques différentes et des offres de prévention disparates entre les territoires urbains et ruraux, qu’il s’agisse des médecins, des laboratoires ou des établissements de santé. Par ailleurs, les conventions des professionnels de santé avec l’Assurance maladie privent les ARS de leviers nécessaires à l’application efficace de la prévention.
Trois priorités pour opérer un "choc de prévention" sur notre système de santé
Coordonner les multiples acteurs autours de grands objectifs de prévention
L’adoption d’objectifs clairs et une meilleure coordination globale est un impératif pour mieux cerner les besoins et améliorer les résultats de la prévention. Cette coordination doit s’effectuer par le haut, à travers un travail interministériel regroupant les grands Ministères impliqués sur le sujet, ceux de la Santé, de l’Éducation nationale, du Travail, notamment. Peuvent également être sollicités les Ministères de la Recherche, de la Transition énergétique et plus précisément du Logement, afin d’obtenir une vue d’ensemble.
Ce travail entre portefeuilles pourrait permettre la création d’une instance pour piloter la prévention. Ce meilleur pilotage doit aboutir à une approche populationnelle de la prévention, adossée à un tableau de bord et des indicateurs cohérents.
Changer de paradigme budgétaire pour mieux piloter les politiques de prévention
La gestion budgétaire liée au PLFSS et au fonctionnement de l’Assurance maladie sclérose les politiques de prévention, empêche l’évaluation précise des montants alloués et un pilotage stratégique et efficace. Il est donc important de transformer les outils de gestion budgétaire pour que ceux-ci deviennent des supports aux objectifs de santé publique. Avec l’ONDAM, l’État s’est doté de solides outils de gestion budgétaires qui tiennent particulièrement leur rôle mais c’est un outil comptable de courte vue qui, par définition, ne peut permettre de piloter ou de planifier l’investissement en santé à long-terme. Une première action serait de donner à l’ONDAM un réel cadre pluriannuel. Cette pluriannualité se justifie d’autant plus que les effets positifs et les économies permis par les politiques de prévention s’effectuent à moyen-long terme, et souvent bien au-delà de l’échéance d’un quinquennat.
Plus largement, pour créer ce choc de prévention, la transformation de l’Assurance maladie vers une Assurance "santé" permettrait la mise en œuvre d’une approche globale de la santé. Au-delà des charges et des produits, le rapport annuel de cette nouvelle Assurance santé doit pouvoir intégrer chapitre "investissements" pour affirmer sa pluriannualité et intégrer une réflexion systématique sur le pilotage des dépenses de prévention. L’ONDAM serait remplacé par un ONDAS (Objectif national d’Assurance santé) qui décloisonnerait les sous-objectifs et garantirait la fongibilité des enveloppes. Surtout, l’ONDAS devra être cohérent avec la stratégie nationale de santé définie en début de quinquennat. Il s’agira alors de synchroniser les débats parlementaires sur les objectifs de santé publique avec ceux sur la stratégie budgétaire pour les réaliser.
La e-santé connaît depuis quelques années une expansion continue qui s’est largement accélérée lors de la période Covid. L’ouverture des données au public et la coordination des services pour assurer un partage d’informations remarquable ont ouvert des portes qui ne doivent pas être refermées. Le numérique, du fait des possibilités d’analyse qu’il offre et de la vitesse de traitement qu’il permet, a tout pour devenir un outil de prévention largement utilisé pour développer des programmes personnalisés (limiter la perte d’autonomie, promouvoir l’activité physique, etc.). Pour y parvenir, il faut également lutter contre la fracture numérique au risque de créer un système de santé à deux vitesses.
La France doit par ailleurs investir dans la recherche algorithmique et en intelligence artificielle pour la santé. En juin 2021, l’OMS a publié son premier rapport sur l’intelligence artificielle appliquée à la santé. Dans celui-ci, l’organisation appelle les gouvernements à prendre des mesures pour limiter les risques et maximiser les opportunités offertes par l’IA dans ce domaine. En l’état, l’intelligence artificielle porte de belles promesses pour le futur de nos systèmes de santé. Sa capacité d'analyse de grandes quantités de données à une vitesse inédite, les possibilités qu’elle ouvre pour l’interprétation d’imagerie ou de supports textuels laisse entrevoir une véritable révolution dans la compréhension des réalités épidémiologiques de certaines maladies ainsi que dans le potentiel de dépistage et donc d’anticipation des risques en santé.
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