La volonté affichée de revaloriser les salaires des enseignants en est un signe, tout comme les mentions faites d’un tournant écologique, par la nomination notamment d’un Premier ministre qui en aurait la responsabilité. L’union populaire appelée de ses vœux par le leader de LFI aurait déjà du mal à se concrétiser. Ensuite, pour que le troisième homme du premier tour trouve sa place à Matignon, il faudrait que la gauche toute entière soit d’accord sur un grand nombre de sujets. Peut-on imaginer un Conseil des Ministres où tous les représentants de la gauche s’entendent ?
Marc Lazar : Mélenchon sait que ses chances d’arriver à Matignon sont minces. Toutefois, en se plaçant dès l’entre-deux-tours dans cette stratégie, il a rappelé la place qu’il entend tenir sous le prochain quinquennat : celle de premier opposant au président de la République, une place qu’il entend disputer à Marine Le Pen. Cependant, il semble que Jean-Luc Mélenchon ne réussisse qu’à mobiliser derrière sa personne. Rappelons qu’au premier tour 36 % des 18-24 ans l’ont soutenu dans son projet présidentiel. Cela pose toutefois un problème, si l’on se fie à l’analyse déjà faite par Céline Braconnier : Jean-Luc Mélenchon rassemble derrière lui, mais les personnes qui le soutiennent ne sont pas forcément là pour LFI au moment d’autres élections moins axées sur sa personne. Lui et son parti courent donc un risque en juin prochain de ne pas réussir à transformer l'essai.
Les 12 et 19 juin se tiendront les élections législatives. La situation inédite, avec la première réélection d’un Président sortant hors cohabitation, peut-elle faire naître un résultat tout aussi inédit ?
Bruno Cautrès : Depuis la réforme de 2002, les élections législatives se sont toujours placées dans le prolongement de l’élection présidentielle, donnant une majorité au Président élu. Cependant, Emmanuel Macron étant devenu le premier Président a être réélu hors cohabitation, c’est une toute autre situation qui pourrait advenir. LREM disposera-t-elle d’une majorité absolue ? Devra-t-elle faire alliance avec d’autres groupes dans le cas d’une majorité relative ? Et si oui, quels seront les groupes parlementaires prêts à lui tendre la main ? Le Modem ? Agir ? Horizons ? C’est loin d’être un point de détail dans l’élection qui arrive. Sans majorité absolue, Emmanuel Macron devra faire avec une coalition à l’Assemblée, et il devra alors regarder à sa gauche et à sa droite pour appuyer son gouvernement.
En somme, la situation laisse présager qu’à l'issue des élections législatives notre pays pourrait faire face à une situation politique inédite. Cette situation pourrait poser de réelles questions de représentativité. En effet, LFI et le RN pourraient se retrouver avec un nombre de députés en décalage total avec les performances de leur représentant à l’élection suprême. Si tel était le cas, Emmanuel Macron devrait faire de la réforme des institutions politiques françaises, une réelle priorité de son mandat, au risque de compromettre la représentation démocratique, socle indispensable au débat politique.
Marc Lazar : Les élections législatives sont à ce jour incertaines. On peut d’ores et déjà s’attendre à une abstention très haute. En outre, si le mouvement du Président réélu devait bénéficier d’une solide assise à l’Assemblée, il devra veiller à ne pas s’enivrer de l'hubris de la victoire. Ce serait une erreur, et l’ampleur du malaise révélée par cette élection doit être une mise en garde.
D’autant que les dynamiques d’ancrage territorial sont centrales dans l’élection législative, chaque circonscription est représentée au Palais Bourbon, au terme d’un scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Il y a donc une tension qui reste manifeste, avec d’un côté la dynamique nationale autour de LREM, le RN et LFI, et de l’autre l’ancrage local, dont la vie politique est plus détachée des tensions illustrées au cours de la présidentielle.
Bruno Cautrès : Les trois blocs qui se sont démarqués au cours du premier tour nous montrent dans quelle mesure notre système législatif manque de proportionnalité. Mais ces observations ne doivent pas pousser à tirer des conclusions trop hâtives sur un éventuel recours au scrutin proportionnel. Déjà, il est important de rappeler que toute réforme allant dans ce sens ne pourrait s’appliquer au vote qui se tiendra en juin, mais interviendra seulement ensuite. Il est aussi important de souligner que la représentation proportionnelle est un mode de scrutin qui connaît un nombre presque infini de déclinaisons. Selon le quotient électoral, le mode de calcul de la répartition des sièges, le paramétrage de la représentation proportionnelle, un tel système électoral pourrait tout à fait conserver le caractère majoritaire existant. Dans certaines configurations, le dosage proportionnel pourrait même accentuer la tendance majoritaire. Le cadrage souhaité par l'exécutif devra faire l’objet d’un débat qui risque de durer dans le temps.
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