Pourtant, en pratique, et que ce soit pour la Convention citoyenne pour le climat (CCC), la sortie des néonicotinoïdes et du glyphosate ou la protection de la biodiversité, nombre des engagements adoptés par le président de la République sont restés lettre morte.
C’est précisément sur ce sujet que se sont concentrées la plupart des attaques à l’endroit de l’exécutif. Le plus souvent, elles soulignent justement que la trajectoire française en matière de réduction des émissions de GES n’est pas satisfaisante. Pour en juger, il faut se tourner vers la SNBC, véritable calendrier national adopté par le gouvernement à la suite de l’Accord de Paris et révisé depuis. Celle-ci devait défendre trois objectifs : l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050, la réduction des émissions de 40 % en 2030 par rapport à 1990 et le respect des "budgets carbone", ces plafonds d’émission fixés sur des périodes successives. Pourtant, dès le premier budget couvrant la période 2015-2018, la France s’est montrée incapable de respecter ses engagements. L’État français a d’ailleurs été condamné par le tribunal administratif de Paris pour "non-respect des engagements de la France dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre" à la suite d’une plainte déposée par quatre associations en mars 2019. Une nouvelle décision avait par la suite enjoint l’État à "réparer" les manquements à ses engagements climatiques. Si la situation semble s’améliorer depuis 2019, c’est en partie le résultat d’une baisse des ambitions françaises en matière climatique, le budget carbone ayant été revu à la baisse pour tabler sur une diminution des émissions de 1,5 % par an jusqu’en 2025, puis de 3,2 % par an jusqu’en 2030. Une victoire en trompe-l'œil.
L’électricité, nerf de la campagne
Que reste-t-il donc des ambitions de début de mandat ? À en juger par le traitement du sujet environnemental par le président de la République tout au long du premier tour de la campagne présidentielle, pas grand chose. Tout au plus, Emmanuel Macron s’est attaché à concentrer ses propos sur la question énergétique, certes cruciale mais loin d’être exhaustive. À ce titre, et pour comprendre en détail les velléités du candidat, il importe de se référer au "discours de Belfort", prononcé au mois de février 2022, au cours duquel il annonçait vouloir construire un total de 6 nouveaux EPR deuxième génération d’ici à 2035 et étudier la construction de 8 autres avant 2050. Ambitieuse, cette "renaissance" du nucléaire civil coûterait, selon l’opération de chiffrage des programmes menée par l’Institut Montaigne, quelque 2 milliards d’euros par an d’ici à 2050.
En outre, le projet du président de la République fait la part belle à l’éolien en mer, avec la construction de 50 parcs d’ici à 2050, et au solaire, dont la puissance devrait être multipliée par dix à la même date. Cela pourrait ne pas suffire, et ces objectifs apparaissent du reste présomptueux au regard du retard pris par la France en matière de développement des énergies renouvelables : en 2020, la France était le seul pays de l’Union européenne (UE) à avoir manqué son objectif, certes ambitieux, de déploiement de ces énergies. Dans le programme du candidat, l’éolien terrestre est, quant à lui, sacrifié sur l’autel de l’acceptabilité sociale, et ce en dépit de son intérêt économique et environnemental. Le projet énergétique présenté par le candidat Macron reste globalement cohérent avec les scénarios formulés par le gestionnaire RTE. Pourtant, il comporte un point faible de taille : l’absence presque totale de référence faite au concept de sobriété. Le président de la République est, depuis longtemps, farouchement opposé à cette idée, qu’il a déjà apparenté de façon trompeuse à un idéal de "société Amish" par le passé. Depuis plusieurs mois, ce concept est d’ailleurs dévoyé et politisé, les candidats à droite de l’échiquier politique préférant le bouder au profit de références aux ruptures technologiques à venir. Reste que le dernier rapport du GIEC invoque l’absolue nécessité d’actionner ce levier clé si nous souhaitons atteindre nos objectifs de réduction rapide des émissions de GES. Emmanuel Macron semble l’avoir compris tardivement à en juger par son discours prononcé à Marseille le samedi 16 avril. En tout cas, il y a tout intérêt s’il souhaite séduire l’électorat jeune, pour qui la question environnementale importe énormément et qui a largement plébiscité la candidature de Jean-Luc Mélenchon la semaine passée.
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