Parmi les mesures nouvelles relatives aux prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) les plus importantes qui seront mises en œuvre en 2019, plusieurs étaient programmées dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2017 et 2018. Si les mesures fiscales et sociales prévues dans les projets de loi de finances et de financement pour 2019 étaient relativement limitées, les dispositions inscrites en décembre dernier dans ces textes financiers ou dans la loi portant mesures d’urgence économiques et sociales sont très significatives. Elles dégradent fortement les perspectives d’évolution des finances publiques et leur financement pourrait nécessiter des hausses d’impôts à plus ou moins brève échéance.
Les principales mesures adoptées avec les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2017 et 2018
Les changements les plus importants de la législation fiscale et sociale en 2019 résultent pour plusieurs d’entre eux des lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2017 et 2018. Je les ai analysés dans des billets précédents sur la fiscalité des ménages et celle des entreprises.
- Le remplacement du CICE par des allègements de charges
L’année 2019 est celle du remplacement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) par de nouveaux allègements de cotisations sociales patronales, qui a été voté avec les lois de finances initiale (LFI) et de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018.
Les entreprises bénéficieront en 2019 du CICE sur les salaires de 2018 inférieurs à 2,5 SMIC (au taux de 6 %) et, pour celles qui n’avaient pas encore pu se faire rembourser ce crédit d’impôt, sur les salaires des années antérieures à 2018 (au taux de 7 %) sous le même plafond. Les salaires versés à partir de janvier 2019 ne donnent plus droit au CICE.
En contrepartie, la LFSS pour 2018 prévoit à compter du 1er janvier 2019 : d’une part, une réduction de 6 points des cotisations des employeurs à l’assurance maladie pour les salaires inférieurs à 2,5 SMIC ; d’autre part, un allègement supplémentaire de 4 points au niveau du SMIC, portant sur les cotisations aux assurances chômage et de retraite complémentaire, et diminuant au-delà du SMIC jusqu’à devenir nul au niveau de 1,6 SMIC. Ce deuxième allègement a été reporté au 1er octobre 2019 par la LFSS pour 2019. Par rapport à la situation de 2018, les cotisations sociales patronales seront donc réduites au total de 10 points au niveau du SMIC, de 10 à 6 points entre le SMIC et 1,6 SMIC et de 6 points entre 1,6 et 2,5 SMIC à partir du 1er octobre 2019.
La concomitance des allègements de cotisations sociales sur les salaires de 2019 et des remboursements du CICE sur les salaires des années antérieures majore ponctuellement le déficit public d’environ 20 Md€ en 2019.
- La réduction de la taxe d’habitation
La LFI pour 2018 prévoit que les ménages dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 27 000 € pour un célibataire et 43 000 € pour un couple seront exonérés de taxe d’habitation (TH) sur leur résidence principale en 2020. Ils représentent 80 % des ménages.
En 2019, ils bénéficieront d’un dégrèvement égal à 65 % (après 30 % en 2018) de la TH due en appliquant le taux voté par la commune ou l’intercommunalité en 2017 à la valeur cadastrale de leur logement (ils supporteront donc la hausse des taux votés par les communes et intercommunalités pour 2018 et 2019).
Le coût de ces dégrèvements pour l’Etat a été de 3,2 Md€ en 2018 (dégrèvement de 30 %) et devrait être de 7,0 Md€ en 2019 (dégrèvement de 70 %).
- La baisse du taux de l’impôt sur les sociétés
La LFI pour 2017 prévoit une baisse progressive du taux normal (hors PME) de l’impôt sur les sociétés (IS) de 33,3 % en 2016 à 28 % en 2020. La LFI pour 2018 prolonge cette évolution jusqu’à un taux de 25 % en 2022. Le coût budgétaire de la diminution du taux de l’IS de 33,3 à 25 % s’élève à 11,0 Md€.
Ce taux est de 28 % sur les bénéfices de l’exercice 2018 en-deçà de 500 000 € et de 33,3 % au-delà. La loi de finances pour 2018 a prévu de ramener à 31 % le taux appliqué sur les bénéfices de l’exercice 2019 au-delà de 500 000 €. Dans le cadre des mesures décidées en décembre dernier, le Ministre de l’Economie a toutefois annoncé que cette diminution de 33,3 à 31 % serait limitée aux sociétés dont le chiffre d’affaires est inférieur à 250 M€.
- La hausse de la fiscalité sur les tabacs
La LFSS pour 2018 a programmé une hausse de la fiscalité des tabacs ayant pour objectif de porter le prix du paquet de cigarette à environ 10 euros à la fin de 2020. Après une première hausse en mars 2018, de nouvelles augmentations sont prévues en avril et novembre 2019. Le gain budgétaire résultant de ces mesures est estimé à 1,3 Md€ en 2019, sans tenir compte de leur impact sur les comportements.
- Le prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source
Voté avec la LFI pour 2017, et seulement légèrement modifié par les lois de finances suivantes, le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu est mis en œuvre à partir de janvier 2019. Il concerne principalement les salaires et les prestations sociales, notamment les pensions de retraite, ainsi que les revenus de placement financier (sous la forme du prélèvement forfaitaire unique). Le taux de la retenue à la source est le taux moyen d’imposition des revenus de 2017, quand il existe, et un taux forfaitaire quand il n’existe pas (première imposition en 2019), des modulations étant possibles dans certaines conditions. Les revenus des indépendants et les revenus fonciers font l’objet d’un acompte mensuel proportionnel à l’impôt payé sur ces revenus en 2018.
Les contribuables devront déclarer leurs revenus de 2019 en mai 2020 dans les mêmes conditions qu’auparavant, ce qui permettra à l’administration fiscale de calculer exactement l’impôt exigible. En septembre 2020, la régularisation de leur situation fiscale se traduira soit par un complément d’imposition soit par le remboursement des prélèvements à la source et acomptes trop payés.
Les ménages devront auparavant déclarer en mai 2019 leurs revenus de 2018. Sur cette base, l’administration calculera deux impôts : un impôt sur l’ensemble des revenus de 2018 et un impôt sur les seuls "revenus non exceptionnels". Ce dernier sera déduit de l’impôt dû sur l’ensemble des revenus sous la forme d’un "crédit d’impôt de modernisation du recouvrement de l’IR".
- La hausse des cotisations de retraite complémentaire
La hausse des cotisations de retraite complémentaire ne résulte pas de dispositions législatives mais de décisions prises par les organes dirigeants de l’AGIRC et de l’ARRCO dans le cadre d’accords collectifs interprofessionnels étendus par l’Etat. Au 1er janvier 2019, l’AGIRC et l’ARRCO fusionnent pour ne plus former qu’un seul régime, ce qui conduit à une harmonisation et, globalement à une hausse, de leurs taux de cotisations. Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2019 estime à 1,9 Md€ le surplus de recettes dû aux modifications de leurs taux de cotisations.
Les principales modifications prévues dans les projets de loi de finances et de financement pour 2019
Pour prévenir le risque d’un déficit public en 2019 supérieur au plafond de 3,0 % du PIB fixé par les règles budgétaires européennes, le Gouvernement a inscrit dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale et fait voter des mesures permettant d’obtenir un surplus ponctuel de recettes : le décalage dans le temps d’une partie des baisses de cotisations sociales patronales décidées en contrepartie de la suppression du CICE (cf. ci-dessus) et le renforcement du dernier acompte d’impôt sur les sociétés (IS). Il a également fait voter en LFI et LFSS des mesures relatives à la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques (TICPE) et au "forfait social" dont le rendement budgétaire sera pérenne.
Monsieur Ecalle,
Je vous ai entendu chez Yves Calvi dire que le prélèvement à la source est une erreur et comme je partage votre point de vue, je souhaitais vous apporter ma propre réflexion. Je considère que c'est une décision inutile, compliquée, onéreuse et à contre courant de l'histoire. Avec la numérisation généralisée des documents et les échanges de données numérisées, il était totalement inutile d'introduire un intermédiaire, à savoir des millions d'entreprises pour prélever à la source l'IR de l'année n en année n. La DGFIP pouvait parfaitement prélever mensuellement l'IR estimé de chaque contribuable sur son revenu perçu mensuellement. Ce qui a été mis en place me fait penser à la ligne Maginot, qui elle aussi a été décidée en regardant le passé et non le présent. Je ne m'explique pas pourquoi le Président Macron a laissé faire cette réforme absurde, génératrice de coûts initiaux et récurrents sans aucune valeur ajoutée, donc du gaspillage. Je pense que vous pourriez faire calculer ces coûts. Je regrette que sur ce sujet, ni la presse, ni les organisations patronales n'ont joué leur rôle pour dénoncer cette réforme ...
Cordialement.
François SCHAPIRA
ancien dirigeant de PME
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