Rappelons que le projet S.T.A.R est une étude expérimentale de référence car elle a été conduite sur 11 000 élèves répartis, durant 5 ans, pour un tiers dans des classes de 13 à 17 élèves, pour un tiers dans des classes de 22 à 26 élèves, et pour un tiers dans des classes de 26 élèves et plus, depuis le Kindergarten (notre Grande Section de maternelle) jusqu’en fin de CE2. Les résultats de l'étude ont été largement discutés. Ils établissent qu’une réduction importante de la taille des classes n'impacte que faiblement la réussite des élèves (0,2 écart-type), l'effet pouvant aller jusqu’à 0,4 écart-type pour les élèves de plus bas niveau socio-économique. Rappelons à ce stade qu'il est admis communément qu'un effet est significatif à partir de 0,25 écart-type.
Les conclusions produites à l’issue du programme SAGE (Student Achievement Guarantee in Education), conduit au Wisconsin entre 1995 et 2001, qui avait pour objet la réduction à 15 élèves par classe de la maternelle jusqu’en troisième année du primaire dans les zones défavorisées, renforcent les conclusions de l’enquête S.T.A.R. Les classes à effectif réduit obtiennent de meilleurs résultats scolaires que les classes ordinaires à effectif plus élevé, et donnent des informations intéressantes sur l’impact des pratiques pédagogiques (Molnar et al., 2001).
En effet, dans les classes à taille réduite, les chercheurs avaient préalablement réparti les enseignants en deux groupes : un groupe d’enseignants ayant majoritairement recours à des pratiques pédagogiques centrées sur les contenus à apprendre, et un groupe d'enseignants ayant tendance à adopter d'autres pratiques pédagogiques. En un mot, la réduction du ratio maître-élève n'est efficace que dans la mesure où les enseignants ont recours à des pratiques pédagogiques structurées.
Autrement dit, la seule réduction de la taille des classes n'a qu'une incidence extrêmement faible, voire aucune incidence sur la performance des élèves, si l'on ne s’est pas préalablement occupé de modifier les pratiques pédagogiques des enseignants. In fine, un enseignant inefficace avec trente élèves le sera tout autant, voire plus, avec quinze ! (Crahay, 2000).
Derrière la porte des classes : les pratiques pédagogiques en question
Depuis le projet Follow Through, il est admis que certaines pratiques pédagogiques sont plus efficaces que d’autres. Follow Through est la plus vaste expérimentation jamais effectuée dans le domaine de l'éducation (Slavin, 2002). Elle est considérée comme l'une des plus grandes mesures prises par l'État fédéral américain pour lutter contre la pauvreté (Gauthier et al. 2009). Cette initiative avait pour objet de comparer et d’analyser l'efficacité d’une vingtaine d’approches pédagogiques appliquées auprès d'élèves provenant de milieux socio-économiques défavorisés scolarisés de la maternelle jusqu'à la troisième année de l'école primaire. Il s'agit d'une étude longitudinale effectuée sur une période d'une dizaine d’années qui a impliqué 70 000 élèves provenant de 180 écoles. Les données d’environ 10 000 élèves ont été recueillies annuellement et analysées pour les besoins de l'étude.
L'évaluation finale des élèves, qui se faisait à la fin de la troisième année, mesurait les trois grandes dimensions de l'apprentissage réparties en trois types d'habiletés :
- les habiletés de base (Basics skills) telles que la lecture, l’écriture, les mathématiques et le vocabulaire ;
- les habiletés intellectuelles (Cognitive skills), comme le raisonnement non verbal et la résolution de problèmes ;
- les habiletés affectives (Affective skills), soit l’estime et l’image de soi.
Le principal enseignement de l'étude est que le Direct Instruction, méthode d'enseignement très structurée et particulièrement orientée vers l’acquisition des matières de base, est la seule approche pédagogique qui obtient des résultats positifs sur les trois volets évalués. En revanche, les pratiques pédagogiques centrées sur l’élève, dont l'un des premiers objectifs est de respecter le rythme et les besoins des élèves, affichent des résultats négatifs sur toutes les dimensions mesurées.
Dans son étude conduite en 2021 sur l'évaluation de l'impact de la réduction de la taille des classes, la DEPP a interrogé les enseignants de CP à propos de leurs convictions en matière d'apprentissage et d’enseignement. Si les auteurs précisent que "l'adhésion des enseignants à certains modèles pédagogiques n'est pas nécessairement corrélée avec les pratiques mises en œuvre en classe", l'étude relève tout de même que les professeurs interrogés indiquent en très grande majorité être d’accord avec la proposition selon laquelle "c'est lorsque les élèves résolvent eux-mêmes des problèmes qu’ils apprennent le mieux".
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