Kim Jong-un présente deux caractéristiques qui le rendent différent des autres dirigeants de cette série. D’abord, il semble incarner une forme de paléo-autoritarisme – mais c’est justement la longévité de ce régime politique, et son importance démesurée dans les relations stratégiques internationales contemporaines, qui interpelle et justifie son inclusion dans cette galerie de portraits. Ensuite, il est, de manière unique, le deuxième héritier d’un régime fondé en 1948 – ce qui, même à l’aune des nombreuses dynasties politiques du monde, le rend exceptionnel.
On qualifie souvent le pays de dernier Etat stalinien de la planète. Cette description est en fait incomplète et approximative au point d’être non pertinente. Certes, les gènes politiques du régime proviennent partiellement de l’ère du communisme triomphant. Mais ils se trouvent, tout autant, dans l’occupation japonaise et la mythologie coréenne. Il s’agit d’une sorte de monarchie de droit divin (le Mont Paektu, lieu de naissance prétendu de Kim Jong-il, est sacré dans l’histoire de la péninsule) au cœur de laquelle se trouve le sang. Celui de la dynastie dirigeante, bien sûr, mais aussi celui des Nord-Coréens, réputés faire partie d’une race pure. Et alors que le stalinisme fait référence à un père émancipateur, l’Etat nord-coréen se veut, lui, être une mère protectrice d’enfants trop fragiles pour être exposés au monde. D’où l’idéologie du Juche (auto-suffisance).
Kim Jong-un est (probablement) né en 1984. On connaît désormais quelques détails sur son enfance en Suisse, même si les dates exactes de son séjour restent incertaines. Comme son frère aîné Kim Jong-chul et sa sœur cadette Kim Yo-jong, il a en effet bénéficié du confort et de la qualité du système éducatif helvétique et a passé deux ans (1998-2000) à l’école Liebefeld-Steinhölzli de Koeniz, au sud de Berne, naturellement sous une fausse identité. Jeune homme tranquille, bien intégré, sympathique et capable d’être drôle, mais aussi impulsif et aimant la compétition (il détestait perdre, dit-on), le basket et les chaussures Nike, l’emmental, et le karaoké. Il en a gardé une passion pour le ski, les montres suisses, et la célèbre équipe des Chicago Bulls – le joueur Dennis Rodman, qu’il décrit comme un ami, est l’un des très rares visiteurs occidentaux du dirigeant.
Son frère aîné étant considéré comme "efféminé" (il est amateur de rock), le jeune Jong-un est promu au rang de général, puis vice-président de la Commission militaire centrale, et donc d’héritier présomptif, en 2010. Lors du décès de son père Kim Jong-il, il devient le plus jeune dirigeant d’Etat au monde (aux alentours de 27 ans).
Mais sa référence familiale semble être son grand-père Kim Il-sung, le fondateur du pays qui régna 46 ans. Les commentateurs nord-coréens ne sont pas découragés de souligner sa ressemblance physique avec lui, et notamment son étrange coupe de cheveux.
Il a en tout cas hérité aussi des méthodes de gouvernement de ses ascendants. En 2013, il fait exécuter son oncle Jang Sung-taek. En 2017, il fait éliminer son demi-frère Kim Jong-nam, qui fréquentait un peu trop les casinos et les parcs d’attraction à l’étranger, et critiquait volontiers le régime, au moyen d’un agent neurotoxique, à l’aéroport de Kuala-Lumpur. Peut-être une tradition familiale : Kim Man-il, le jeune frère de son père, s’était noyé alors qu’il avait quatre ans, et une rumeur veut qu’il y ait été poussé à l’eau par son frère…
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