Sauf que le flux d’émigration extracontinentale africaine – y compris illégale – est évaluée aujourd’hui à moins d’un million par an, soit quelque 0,08 % de la population. Pourquoi donc cette propension à l’émigration serait-elle multipliée par plus de dix alors même qu’une partie du continent offrira à ce moment davantage d’opportunités de travail que ce n’est le cas aujourd’hui ?
Force est de constater que le débat sur cette question sensible peut parfois être plus serein de l’autre côté de la Méditerranée. Le forum annuel de Bamako, organisé par la fondation du même nom, était, cette année, consacré à la question migratoire, dans toutes ses dimensions – humaine, économique, sociétale, sécuritaire. Cette rencontre a prouvé qu’un dialogue euro-africain rationnel et sans emportements de part et d’autre était possible.
Lorsque l’on approfondit le sujet de la migration africaine, quelques conclusions provisoires viennent à l’esprit.
- Les catégories traditionnelles de "pays d’émigration", "pays de transit" et "pays d’accueil" n’ont plus beaucoup de sens. Le Maroc, par exemple, appartient désormais aux trois catégories. Et l’immigration est autant une question pour l’Afrique du nord qu’elle l’est pour l’Europe. Le Niger est devenu un hub majeur de migration, et nombre de ceux qui souhaitent transiter par le pays finissent par y rester.
- Le désir d’émigrer varie considérablement selon les pays africains : en Afrique de l’Ouest, il est par exemple très fort au Nigéria. Quant aux motivations, elles sont presque toujours (hors zone de conflit ouvert) déterminées par le souhait de trouver un emploi, ou d’envoyer un revenu au pays d’origine. L’attractivité des pays européens n’est pas déterminée par le degré de protection sociale qu’ils offrent. Par ailleurs, l’émigration africaine est de plus en plus féminisée et de plus en plus qualifiée.
- Ceux des Africains qui souhaitent émigrer tentent en priorité leur chance dans les villes, puis dans les pays voisins (notamment en Afrique de l’ouest), puis seulement, et s’ils réussissent à en trouver les moyens, au-delà du continent. L’Afrique émigre ainsi assez peu hors du continent. Mais elle le fait de plus en plus : tant le nombre que la proportion des migrants quittant le continent sont en augmentation. Elle représente aujourd’hui, pour les personnes originaires d’Afrique subsaharienne, un tiers des migrants.
- La migration africaine vers les pays développés (OCDE) est, jusqu’à présent, essentiellement maghrébine (41,7 % des migrants en 2015). Mais notre continent n’est plus prioritaire : il ne représente plus aujourd’hui que de 35 % de la migration vers ces mêmes pays.
- Il n’y a pas de lien entre immigration illégale (ou demande d’asile) et risque de terrorisme. En Europe ou aux Etats-Unis, la quasi-totalité des actes terroristes sont commis par des ressortissants nationaux, ou par des personnes ayant immigré légalement. En revanche, force est de constater que la perception d’un risque d’insécurité personnelle, bien que souvent surévalué, n’est pas totalement infondée : en Allemagne, l’incident de Cologne (une série d’agressions sexuelles le soir de Noël 2016) a suscité un traumatisme profond ; en Italie, les activités des réseaux criminels nigérians en Italie n’ont pas été pour rien dans le vote nationaliste de mars 2018 ; en France, les Africains représentent 9 % des crimes et délits (chiffres de juin 2018 du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure) alors qu’ils ne représentent que 3 % de la population.
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