C’est l’un des enjeux de la rédaction du nouveau "Concept stratégique" de l’OTAN, qui sera lancée à Bruxelles. La précédente version de texte, qui est la référence de la stratégie transatlantique, date déjà d’il y a dix ans - une éternité à l’aune des bouleversements internationaux intervenus depuis lors, y compris dans des domaines tels que le cyber ou l’espace. Mais personne n’osait lancer cette refondation stratégique tant que M. Trump était au pouvoir.
Le Président Biden participera au sommet, à l'occasion de son premier déplacement en Europe (et à l'étranger) depuis son élection. Est-il susceptible d'adopter une attitude radicalement différente de celle de son prédécesseur vis-à-vis des alliés européens ? Washington pourrait-elle se montrer plus flexible concernant l'objectif pour chaque membre de l'Alliance de dépenser au moins 2 % du PIB aux dépenses de défense ?
M. Biden retrouvera l’attitude classique de presque tous les présidents américains, depuis 1950, vis-à-vis de ses alliés européens : il les rassurera sur l’engagement de Washington quant à la sécurité du continent, mais leur demandera de dépenser davantage pour leur défense…et si possible d’acheter américain. Quant à l’objectif de 2 %, il existe toujours sur le papier même s’il n’a pas beaucoup de sens - on peut dépenser beaucoup sans avoir une forte contribution à la sécurité commune - et qu’il en avait même encore moins en 2020 au vu de la contraction des budgets nationaux du fait du Covid-19. Je note par ailleurs que la nouvelle représentante américaine à l’OTAN, proposée par M. Biden, Julianne Smith, est bien connue et appréciée des Européens, mais n’ayant pas encore été confirmée par le Congrès, elle ne peut assister ex officio au sommet.
La vraie question, c’est finalement de savoir jusqu’à quel point l’Amérique insistera, comme elle a pu le faire par le passé, pour que le Conseil de l’Atlantique Nord, l’instance dirigeante de l’organisation, traite de questions non militaires et voudra en faire un organe de coordination des politiques occidentales vis-à-vis de Pékin. Je crois que l’administration Biden a compris que la plupart des Européens y étaient réticents et qu’il vaut mieux le faire dans des instances comme le G7. Ce n’est pas là que l’on va se coordonner sur la question de la 5G, par exemple.
Que peut-on attendre vis-à-vis et de la part de la Turquie, dont les relations avec ses alliés otaniens se sont gravement dégradées et qui ne semble plus partager les valeurs et les intérêts de l'Alliance ?
C’est un vrai sujet. Au sein de l’Alliance atlantique, on partage idéalement des intérêts communs et des valeurs communes, et au moins l’un ou l’autre. Or M. Erdogan s’éloigne des deux. Mais l’arrivée de M. Biden, ainsi que la situation économique difficile de son pays, ont incité ces derniers mois le bouillant Président turc à adopter une attitude en apparence plus conciliante vis-à-vis de ses alliés. La clé pour l’OTAN sera le règlement éventuel de l’affaire des S-400, ces intercepteurs russes qu’il a acquis auprès de Moscou et qui ont conduit Washington à retirer la Turquie du programme de chasseur-bombardier F35.
En tout cas, même si M. Erdogan se montre accommodant à Bruxelles, il devient de plus en plus difficile pour les opinions européennes de comprendre au nom de quoi nous sommes des alliés avec cette Turquie-là.
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