Les morts par overdoses ont commencé à augmenter de façon inquiétante dès les années 2000. Le Center for Disease Control décrit ainsi trois phases dans l’épidémie des opioïdes :
- Une première vague dedécès par overdose dans les années 1990 impliquant majoritairement des médicaments opioïdes "légaux" et prescrits par les médecins ;
- Une deuxième vague à partir de 2010 avec une extension de la consommation de ces opioïdes hors du cadre médical. De plus, une partie des patients, devenus dépendants des opioïdes, se sont tournés vers des produits de plus en plus forts, en particulier l'héroïne ;
- Une troisième vague depuis 2013, impliquant majoritairement des opioïdes de synthèse dont le fentanyl, 50 à 100 fois plus puissant que la morphine et largement fabriqué sur le marché noir international (notamment en Chine). Aujourd’hui, les overdoses d'opioïdes concernent majoritairement des drogues illicites comme l'héroïne et le fentanyl, "seuls" 35 % des décès en 2017 étant liés à des opioïdes prescrits légalement.
Le profil des personnes touchées est atypique puisqu’il s’agit essentiellement d’adultes jeunes (moyenne d’âge 40 ans), de race blanche et de sexe masculin (67 % des morts par overdose). Sur le plan géographique, les overdoses touchent davantage certains Etats américains, et notamment la Virginie occidentale, l’Ohio, le Maryland, le Maine ou encore le Massachussetts.
Le nombre de prescription d’opioïdes, bien que toujours élevé, a baissé continuellement depuis 2010 sans que la crise sanitaire ne cesse. De plus, ni les mesures prises par les pouvoirs publics pour endiguer l’épidémie et notamment l’état d’urgence sanitaire déclaré fin 2017 par le président Trump, ni le budget de six milliards de dollars dégagé pour améliorer l’éducation des patients et des professionnels et favoriser l’accès aux traitements ne semblent encore suffisants.
Une approche multidimensionnelle pour endiguer l’épidémie
Les sommes que se sont engagées à verser les distributeurs et les industriels du médicament impliqués dans la crise des opioïdes devraient servir à financer différentes actions pour mettre fin à l’épidémie. Toutefois, sans une approche multidimensionnelle prenant en compte les aspects sociaux, sanitaires et judiciaires, la crise continuera et l’espérance de vie des Américains, en déclin depuis plusieurs années, risque, au mieux, de stagner à un niveau bien inférieur à celui des autres pays de l’OCDE.
La littérature scientifique montre que les approches multiples sont les plus efficaces pour à la fois endiguer le trafic, lutter contre les addictions et limiter le nombre de morts par overdose. Des efforts ciblés et multi acteurs sont ainsi nécessaires, parmi lesquels :
- en amont, des campagnes de sensibilisation pour le grand public et un changement d’approche dans le traitement de la douleur impliquant l’usage d’autres antalgiques, des technologies innovantes, des thérapies psychologiques (thérapie cognitivo-comportementale, relaxation), etc. Ces approches multidisciplinaires restent encore mal prises en charge par les assureurs américains et peu enseignées dans les études médicales ;
- pour les patients les plus à risque, une diffusion des meilleures pratiques auprès des professionnels de santé, un suivi précis des prescriptions par patients et une prévention ciblée ;
- pour les utilisateurs dépendants : un meilleur accès aux traitements de substitution, la règlementation actuelle limitant cet accès ainsi que des incitations à une prise en charge s’appuyant sur les données scientifiques, la prise en charge de l’addiction étant de qualité très variable en fonction des Etats et des couvertures médicales des patients ;
- une amélioration de l’accès aux traitements d’urgence des overdoses (naloxone) ;
- des actions de lutte contre le trafic de drogue ;
- des moyens dédiés à la recherche et à la surveillance de cette crise, à l’image de la Truth Initiative créée à l’occasion du MSA.
Cette approche sanitaire large et multidimensionnelle tarde à se mettre en place dans un pays qui ne dispose pas d’un système de santé centralisé et où les responsabilités des différents acteurs sont difficiles à déterminer. De plus, la stigmatisation entourant les addictions et l’usage de drogue, constitue une barrière importante dans la mise en place d’actions d’envergure pour mettre fin à la crise.
Quels risques pour l’Europe ?
Avec moins de 5% de la population mondiale, les États-Unis représentent 80 % de la consommation mondiale d’opioïdes et concentrent la grande majorité des morts par overdose.
Toutefois, l'usage problématique des opioïdes se répand dans d'autres pays de l'OCDE, notamment en Europe du Nord, phénomène lié à la fois à une hausse des prescriptions médicales et à un trafic croissant de drogues illicites.
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