Mais la population reste attachée à la stabilité représentée par l’ère Merkel et les prochaines élections devraient favoriser la force politique capable d’incarner un changement sans véritable rupture.
À cet égard, Olaf Scholz apparaît comme un candidat "rassurant". Ministre du Travail d’Angela Merkel entre 2007 et 2009, maire de la cité-État de Hambourg, l’un des poumons économiques de l’Allemagne, de 2011 à 2018, ministre des finances et Vice-Chancelier d’Allemagne depuis 2018, son expérience gouvernementale est infiniment plus étoffée que celles de ses concurrents. Cette expérience lui permet de se positionner comme un "manager de crise", ayant joué un rôle décisif aussi bien lors de la crise financière de 2008, en développant pour la première fois le modèle du chômage partiel, que durant la pandémie. Cette expérience lui permet également d’appuyer son projet pour l’Allemagne sur des réalisations concrètes, développées à Hambourg, aussi bien dans le domaine de l’environnement que celui du logement, deux axes forts de sa campagne.
Le contexte international est également favorable à Olaf Scholz : en Europe, le rôle moteur qu’il a joué aux côtés de Bruno Le Maire dans la mise en place du plan de relance européen et la définition d’une capacité d’endettement commun lui ont permis de mettre en évidence son engagement européen. C’est ainsi lui qui a popularisé en Allemagne la notion d’un "moment hamiltonien" et qui plaide désormais pour la création de ressources propres en Europe, conscient que ce moment représente une occasion unique pour approfondir l’intégration de l’Union européenne. L’élection de Joe Biden à la présidence des États-Unis a également permis de donner un nouveau souffle à son projet de "meilleure taxation" comme condition de la justice sociale. En Allemagne, Olaf Scholz a pleinement tiré les bénéfices politiques de l’accord historique sur la taxation des entreprises multinationales conclu lors du sommet du G7 le 5 juin 2021. Quelques jours après ce sommet, il annonçait, sur un ton martial, avoir acheté des données relatives à l’évasion fiscale touchant des personnalités et entreprises allemandes, faisant de la lutte contre la fraude fiscale l’un de ses thèmes de campagne favoris.
La réforme fiscale visant à alléger les impôts des ménages modestes en taxant davantage les catégories les plus riches et en introduisant un impôt sur la fortune marque bien la nouvelle orientation du SPD. Ce domaine pourrait cependant devenir sa pierre d'achoppement : si elle était confirmée, la responsabilité d’Olaf Scholz engagée dans plusieurs scandales financiers -liés à la banque Warburg de Hambourg et à la spectaculaire faillite de Wirecard - pourrait déstabiliser l'actuel Ministre des finances, qui fait du projet de meilleure taxation le fer de lance du renouveau de la social-démocratie.
Un renouveau de la sociale-démocratie à travers la notion de "respect"
Le parti social-démocrate apparaît comme le plus vieux parti d’Allemagne : fondé à la fin du XIXème siècle et interdit sous la période nazie, il renaît de ses cendres en Allemagne de l’Ouest au lendemain de la seconde guerre mondiale, mais reste dans l’ombre du Chancelier conservateur Konrad Adenauer durant la période de la reconstruction. En 1959, au congrès de Bad Godesberg, le SPD réalise son aggiornamento et devient un "Volkspartei", un parti du peuple, qui accepte le principe de l’économie sociale de marché et renonce à la lutte des classes. Le SPD a donné à l’Allemagne deux Chanceliers qui continuent, chacun à leur manière, de marquer son orientation : Willy Brandt, ancien maire de Berlin, Chancelier de 1969 à 1974 et principal artisan de "l’Ostpolitik", soit l’ouverture des relations économiques et diplomatiques avec l’Allemagne de l’Est et l’Europe orientale ; et Helmut Schmidt, Chancelier fédéral de 1974 à 1982, originaire de Hambourg comme l’actuel candidat du SPD. Ce n’est pas un hasard si le clip de campagne du SPD inscrit le candidat Olaf Scholz dans les pas de Helmut Schmidt.
L’ancien Chancelier Gerhard Schröder, qui a dirigé l’Allemagne de 1998 à 2005, n’est plus, en revanche, une figure de référence pour son parti. À partir de 1998, le vote en faveur du SPD s’effondre en Allemagne et bien des militants voient dans les réformes Hartz impulsées par Gerhard Schröder la principale cause de cet effondrement. Comme le rappelle Wolfgang Schmidt, Secrétaire d’État au Ministère des finances et principal conseiller d’Olaf Scholz, "en 2005 le taux de chômage atteint 11,5 % et le quotidien populaire BILD titre ‘Allemagne, 5 millions de chômeurs’. Une majorité des militants est consciente de l’impopularité de ces réformes, mais une majorité équivalente est consciente de leur nécessité".
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