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30/01/2018

“Notre priorité est d’avoir une véritable politique franco-maghrébine, nous n’avons pas le choix.”

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“Notre priorité est d’avoir une véritable politique franco-maghrébine, nous n’avons pas le choix.”
 Institut Montaigne
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Les 31 janvier et 1er février 2018, le président de la République est en visite officielle à Tunis, accompagné de plusieurs ministres et de représentants du monde des affaires. Hakim El Karoui, auteur du rapport de l’Institut Montaigne, Nouveau monde arabe, nouvelle “politique arabe” pour la France, décrypte pour nous les grands enjeux de la France dans le monde arabe et au Maghreb en particulier. 

Le président de la République a fait de son engagement européen la clé de voûte de son action internationale. Quelle place doit avoir la politique arabe de la France dans ce contexte ? 

La place du monde arabe doit être très importante dans la politique étrangère de la France. Mais il est nécessaire de distinguer selon les zones et entre tous les pays, qui forment ce que l’on appelle le “monde arabe”. La politique arabe de la France n’est pas un tout. Nos intérêts ne sont pas les mêmes dans le Golfe, au Levant, au Maghreb ou encore en Egypte. C’est avec les pays du Maghreb que nous avons les relations les plus proches, du fait de l’important échange de populations avec notre pays. Notre priorité est d’avoir une véritable politique franco-maghrébine, nous n’avons pas le choix. La réalité des faits est que les destins de la France et celui Maghreb sont liés. La situation est parfaitement différente avec le Levant ou le Golfe. Or, il y a une focalisation historique de la diplomatie française sur ces deux zones pour des raisons politiques et économiques. Personne ne semble se rendre compte que nous réalisons autant d’échanges en 2015 et 2016 avec la Tunisie qu’avec le Qatar et les Emirats réunis. Le Maghreb, c’est 50 % de commerce de plus pour la France que le Golfe, armement inclus.

Les liens entre la France et le Maghreb sont denses et anciens, pensez-vous qu’il soit possible d’ouvrir un nouveau chapitre de nos relations avec ces pays ? 

Oui et c’est une absolue nécessité. Les liens denses que vous évoquez sont avant tout démographiques. Six millions de franco-maghrébins vivent en France et près de 900 000 vivent au Maghreb. Le deuxième lien qui nous unit, c’est la langue. Plus de la moitié des Tunisiens parle français, et plus d’un tiers des Algériens et des Marocains. Notre histoire commune est certes complexe et passionnelle, mais elle est potentiellement pleine de richesses.
 
De plus en plus, la mer Méditerranée sera moins une frontière qu’une interface. Concernant la lutte contre le terrorisme et contre l’islamisme, la France et le Maghreb partagent les mêmes intérêts et les mêmes défis. Des problématiques communes se posent pour les migrations illégales en provenance d’Afrique subsaharienne. Concernant les échanges commerciaux, il va nous falloir imaginer de nouvelles formes d’interactions économiques. Celles-ci seront fondées non seulement sur la mise à disposition d’une main d’oeuvre à bas coûts par les pays du Maghreb, mais également sur la nécessaire création d’écosystèmes à valeur ajoutée. Le secteur de la santé me semble très prometteur et un pays comme la Tunisie a vocation à devenir un lieu de soins pour les patients français.

Y a-t-il une relation particulière entre la France et la Tunisie ? Comment notre pays peut-il apporter son aide pour soutenir cette démocratie ? 

Notre relation avec la Tunisie est par nature particulière, parce qu’il s’agit de l’unique démocratie du monde arabe. Comme quasiment tous les pays européens, la France n’a pas été au rendez-vous de la révolution de 2011. Le problème est que la France était le pays le plus attendu du fait de l’histoire qu’elle partage avec ce pays.
 
Si la France souhaite aider la Tunisie, il faut évidemment l’accompagner financièrement, mais la priorité est de renforcer l’Etat et ses capacités opérationnelles. Pour moi, la première urgence est de créer un fonds de soutien à la haute fonction publique tunisienne afin de permettre à la Tunisie de proposer des salaires compétitifs aux grands serviteurs de l’Etat. La deuxième urgence, c’est de définir avec les Tunisiens la meilleure ingénierie administrative pour améliorer le travail commun. Aujourd’hui, les relations sont trop classiques : chacun est dans son coin et attend que l’autre fasse un pas.  
 
Enfin, la France ne doit jamais oublier l'importance de la francophonie. Le français n’est pas uniquement une langue, c’est aussi une certaine vision de l’avenir et un possible rempart face à l’islamisme.

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