"Libérateurs armés"
Certes, le monde a profondément changé en deux siècles. En 1821, le Concert des puissances européennes était le cœur de la politique internationale. L'Amérique n'était qu'une République naissante, et la Chine venait d'entrer dans une phase de déclin qui allait durer jusqu'en 1978 et l'arrivée de Deng Xiaoping au pouvoir.
En 2021, le monde est dominé par ce qui apparaît de plus en plus comme un "nouvel ordre bipolaire extra-européen" constitué autour des États-Unis et de la Chine.
Et pourtant, en dépit de ces différences majeures, il y a des enseignements, et plus encore des avertissements à retenir - sur le plan géopolitique - des années de la Révolution et de l'Empire.
"Personne n'aime les libérateurs armés." La première leçon repose sur cette phrase de Robespierre. Les armées de la Révolution, étaient porteuses de ses principes libérateurs. Mais très vite, de l'Italie à l'Allemagne et l'Espagne, les troupes "libératrices" de la France furent perçues comme des armées d'occupation et de conquête, et rejetées comme telles. La guerre d'Espagne constitua - Napoléon en était conscient et l'admet dans Le Mémorial de Sainte-Hélène - une erreur majeure et un tournant négatif décisif que la retraite de Russie ne fit qu'approfondir. Après la Suède de Charles XII et avant l'Allemagne d'Hitler, Napoléon allait comprendre, trop tard qu'il n'est pas raisonnable d'envahir la Russie à la fin de l'été.
Avertissement diplomatique
L'Europe du début du XIXème siècle n'a bien sûr rien à voir avec l'Afrique du XXIème siècle. Et pourtant. L'engagement des troupes françaises au Sahel commence à évoquer, au moins symboliquement et à la marge, celui de nos troupes en Espagne, (sinon en Russie), il y a plus de deux siècles. Dans l'histoire des interventions militaires françaises récentes, l'"opération Barkhane" pourrait-elle constituer l'intervention de trop : celle qui contribuera à retourner l'opinion publique française contre le principe même de l'intervention armée au-delà de nos frontières ? Le soutien à des régimes, toujours moins légitimes aux yeux de leurs peuples, l'escalade de la violence avec son inéluctable cortège de "dommages collatéraux", le contrôle impossible de territoires trop étendus et au climat trop extrême : n'est ce pas le problème du Tchad, sinon du Mali aujourd'hui ? De plus, comment à terme, un pays démocratique peut-il poursuivre seul sa démarche interventionniste, alors que le grand frère américain est toujours plus réticent, et s'apprête à y mettre fin en Afghanistan ?
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