Paris n'a pas choisi Moscou contre Washington. Dans moins d'un an, l'Amérique aura peut-être tourné le dos à Donald Trump. Elle ne violera peut-être plus de manière systématique le monde de valeurs communes qui a constitué le socle des relations entre nos deux pays. Elle n'en aura sans doute pas, pour autant, retrouvé son intérêt pour l'Europe, sinon pour le monde. En effet trop dénoncer l'Otan, c'est nous "tirer une balle dans le pied". Trop "blesser" les Européens, c'est rendre plus difficile, sinon impossible le projet de les rallier à notre projet unificateur. La voie est étroite entre l'urgence de réveiller les Européens en haussant le ton et le risque de s'isoler en le faisant. Plus Emmanuel Macron est brillant et volontariste, plus les réticences à son égard sont grandes. Un de mes amis allemands qui fut membre du gouvernement d'Angela Merkel, il n'y a pas si longtemps de cela, me faisait remarquer récemment que la chancelière commençait à s'irriter de l'assurance, frôlant l'arrogance, avec laquelle elle était traitée par le jeune président français. Elle allait presque jusqu'à regretter son prédécesseur, François Hollande. Autrement dit quand la France avait un président faible, l'Allemagne avait une chancelière forte. N'est-ce pas tout simplement l'inverse aujourd'hui ?
Le cœur des peuples européens
La vision stratégique, cohérente et imaginative, du président français est la bienvenue. Pour peu, bien sûr, que la nécessaire prise en compte du caractère exceptionnel de la période que nous traversons ne conduise pas le président français à "insulter l'avenir", autrement dit à s'isoler de manière excessive. Brusquer les Européens est une chose, s'aliéner l'Amérique et l'Angleterre en est une autre.
Au nom d'une vision idéale de ce que l'Europe doit devenir - une puissance autonome et responsable - il serait dangereux d'accélérer le détricotage de l'Alliance et la division entre Européens. En dépit de ses limites nombreuses, la "vieille diplomatie", faite de modération, de nuances, de recherche de compromis, a aussi du bon. Il est difficile d'avancer le multilatéralisme de manière unilatérale.
Avec l'aimable autorisation des Echos (publié le 18/11/2019)
Copyright : JOHN THYS / AFP
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