Faire progresser l'intégration européenne nécessite non seulement de parvenir à un accord avec Berlin, mais aussi d'emporter l'adhésion des autres États membres. Il faut aller plus loin que la recherche, privilégiée par Angela Merkel, du consensus minimal, tout en prenant en compte leurs inquiétudes notamment sur la Russie, les initiatives solitaires de Paris et de Berlin (architecture de sécurité européenne, Nord Stream 2) ayant irrité les capitales d'Europe centrale et balte.
Le discours tenu par Franziska Brantner, secrétaire d'État (die Grünen) au ministère fédéral de l'Économie, témoigne des espoirs et des attentes de ceux qui, comme elle, sont engagés dans la coopération franco-allemande. La réélection d'Emmanuel Macron offre "une nouvelle chance que nous devons cette fois vraiment utiliser", déclare-t-elle au DLF. "Nous avons inscrit la souveraineté stratégique de l'UE dans le contrat de coalition, afin de rendre l'Union plus résiliente, durable, sociale et démocratique, et cela avec une France forte", rappelle Franziska Brantner, il faut adopter une approche commune de la question des chaînes de valeur, réduire la dépendance aux matières premières vis-à-vis de certains pays, créer des instruments pour lutter contre la concurrence déloyale et mieux protéger notre industrie. Autant d'objectifs partagés à Paris, souligne la secrétaire d'État, qui admet qu'en Allemagne "certains redoutent toujours que la France et Emmanuel Macron soient Européens uniquement pour affaiblir l'industrie allemande et renforcer l'industrie française", craintes qu'il importe de dissiper. Les projets de la coalition dans le domaine des infrastructures énergétiques et de transport ont été élaborés en se référant à la France, précise Franziska Brantner, convaincue que la divergence existant sur le nucléaire ne constitue pas un obstacle à la coopération qui doit se développer sur les énergies renouvelables et l'hydrogène vert. L'actuelle coalition a hérité d'une dépendance à l'égard du gaz et du pétrole russes, constate la responsable du ministère fédéral de l'Économie que, depuis son entrée en fonctions, le Ministre et Vice-chancelier Robert Habeck s'emploie à réduire.
L’hypothèque de politique intérieure
La volonté de réformer l'UE dont est crédité Emmanuel Macron pourrait cependant se heurter à la réalité des rapports de force politiques qui se dégageront à l'issue des élections législatives de juin prochain. Au cours des cinq années écoulées, le déficit démocratique n'a pas été comblé. Au contraire, les partis de gouvernement ont perdu l'essentiel de leur base électorale, tandis que les mouvements populistes ont accru leur audience au point de recueillir plus de la moitié des suffrages, notent les experts allemands. Le discours politique s'est radicalisé et droitisé, l'opinion est profondément clivée, l'euroscepticisme s'est répandu, ce qui réduit singulièrement les marges de manœuvre du prochain gouvernement, s'inquiètent-ils. Il n’est pas certain que, cette fois, La république en marche ! obtienne une majorité parlementaire. Dans ces conditions, la dette publique et le déficit budgétaire pourront-ils être réduits ? La réforme des retraites pourra-t-elle aller à son terme ? La politique énergétique suscite d’autres interrogations : la rénovation du parc nucléaire vieillissant mobilise des moyens importants, qui vont s'ajouter au financement de la construction de nouvelles centrales et au développement des énergies renouvelables. En 2027, Emmanuel Macron ne pourra briguer un troisième mandat. Sera-t-il pour autant en mesure de mener à bien dans les années à venir les réformes qui assureront sa crédibilité vis-à-vis du partenaire allemand ?
Copyright : Ludovic MARIN / AFP
Ajouter un commentaire