À Washington, un "récit", même s'il ne fait pas consensus entre tous les experts, apparaît de plus en plus crédible : comme si, avec la montée des tensions, on semblait presque se résigner à lui. La Chine, dit-on, aura bientôt les moyens maritimes de débarquer ses troupes à Taiwan. Mais compte tenu de la géographie difficile de l'île, la résistance des Taïwanais se poursuivra à l'intérieur, aidée en cela par les États-Unis et ses alliés asiatiques. L'économie chinoise a-t-elle les moyens de faire face à un conflit prolongé qui aurait des conséquences plus que négatives sur sa croissance ? Il y a certes, dans ce schéma, sur lequel insistent nombre de mes amis américains, une volonté évidente de dissuader la Chine. Comme si Washington voulait faire entendre raison à Beijing : "Vous pouvez certes envahir Taiwan, mais réfléchissez bien, un débarquement réussi ne résoudra rien : la résistance taïwanaise (avec notre soutien) continuera."
Dans leurs têtes, dirigeants chinois et américains donnent l'impression de flirter dangereusement avec l'abîme, comme si, de part et d'autre, on s'était résigné à l'hypothèse d'un affrontement inévitable. Les progrès du dialogue sino-américain sur le climat dans le cadre de la COP26 ne sauraient faire illusion. La priorité des dirigeants chinois et américains n'est pas de contribuer à sauver la planète, mais de reconquérir pour les premiers, ou de maintenir pour les seconds, leur statut dans le monde. Comme s'ils n'avaient rien appris, rien compris des avertissements de l'Histoire.
Avec l'aimable autorisation des Echos (publié le 14/11/2021).
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