De bons experts militaires estiment toutefois que le potentiel russe est à ce point dégradé qu’il est peu probable que les Russes puissent aller dans le Donbass au-delà de quelques coups tactiques. Ils ne paraissent plus en état de bousculer les lignes de défenses ukrainiennes.
Que se passera-t-il ensuite, au fur et à mesure que l’armée ukrainienne sera dopée par l’arrivée de systèmes d’armes de plus en plus efficaces ?
Un message subliminal : la nécessité de revenir à la négociation ?
Sans doute faut-il éviter de tirer des conclusions trop hâtives de ce constat d’un rapport de forces évoluant potentiellement au détriment de la Russie. À la lumière du discours du 9 mai, trois hypothèses méritent cependant d’être avancées.
Il est possible d’abord que Vladimir Poutine cache son jeu, voire qu’il "bluffe". Les non-annonces du discours seraient suivies dans les jours qui viennent, comme on l’a déjà évoqué, de décisions ou d’actes matérialisant une montée des enchères. Seconde hypothèse : Vladimir Poutine est conscient qu’il a jusqu’ici largement échoué mais il joue le long terme, et notamment en tablant sur un soutien du "Sud global" - et de la Chine - face à un Occident dont il a redit dans son discours le caractère supposé décadent.
Enfin, on ne peut complètement écarter l’hypothèse que le dirigeant russe prépare les esprits - ou se prépare lui-même - à la nécessité d’un règlement négocié. On peut penser que, pour l’instant, Vladimir Poutine donne encore une chance à ses militaires de changer la donne sur le terrain. Si ceux-ci échouent, et si la Russie n’est pas en mesure de reconstituer des capacités offensives plus substantielles, il sera peut-être à un moment donné obligé de proposer un cessez-le-feu - tout en criant "victoire" certes, de manière plus ou moins crédible. Ayant le dos au mur, il pourrait alors avoir intérêt à une vraie négociation - par contraste avec les simulacres de négociations qui ont eu lieu jusqu’ici.
Si l’on retient cette hypothèse, certains des propos de Vladimir Poutine trouvent un autre sens : dans son discours, le président russe a rappelé les "efforts constants faits par la Russie pour établir un système de sécurité en Europe" ainsi que "les propositions de traités sur des assurances de sécurité" qu’il avait avancé au début de la crise. Surtout, Vladimir Poutine a mentionné à de nombreuses reprises le Donbass comme le théâtre et l’enjeu de la guerre, sans mentionner l’Ukraine dans son ensemble ni d’autres régions de ce pays. On peut se demander s’il n’y a pas là, de manière subliminale peut-être, les paramètres, le jour venu, d’une éventuelle négociation.
Copyright : Kirill KUDRYAVTSEV / AFP
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