En mêlant plusieurs secteurs, ces syndicats d’indépendants ne mettent pas seulement Deliveroo en concurrence avec Uber Eats, mais avec d’autres plateformes et d’autres clients qui font appel à du travail peu qualifié à la demande. Ils peuvent aider les travailleurs à faire les meilleurs choix.
La loi LOM vise l’instauration de chartes unilatérales. Mais les chartes (non obligatoires) ne prévoient rien concernant la rémunération. Le dialogue social est nécessaire en la matière. S’il était rendu obligatoire, des mouvements jugés aujourd’hui peu représentatifs pourraient être mis à niveau grâce à des élections.
La puissance publique pourrait-elle intervenir dans les négociations entre livreurs et plateformes ?
La première chose, c’est que la puissance publique devrait disposer d’informations exhaustives et en temps réel. Aujourd’hui, ceux qui sont censés réguler le marché n’ont aucune visibilité sur ce qui se passe : combien de livreurs sont en activité, connectés à combien de restaurants ? À part les plateformes, personne n’a les données exactes. Il faudrait donc imposer aux plateformes de ménager aux pouvoirs publics un accès à des données agrégées. Toute entreprise qui fournit du travail à la demande par l’intermédiaire d’une plateforme numérique devrait avoir l’obligation de mettre à disposition des pouvoirs publics une API des données agrégées afin que la puissance publique ait une vision en temps réel de l’état de l’offre et de la demande sur le marché. C’est exactement ce que l’on fait dans le domaine de la régulation bancaire : l’accès du régulateur à l’information permet de détecter les pratiques prédatrices, les collusions, les arrangements avec les règles prudentielles.
Avec les plateformes de travail à la demande, le fonctionnement du marché de travail se rapproche à bien des égards de celui des marchés financiers. Il faudrait donc imaginer des solutions pour qu’on sache de quoi on parle. Hélas, on ne sait pas encore gérer cela techniquement et surtout, on ne s’en préoccupe pas car on préfère voir ces formes de travail comme une anomalie amenée à disparaître, alors qu’il faudrait apprendre à les réguler et les imposer intelligemment.
Le rôle de la puissance publique devrait aussi être largement renforcé en matière de protection sociale des travailleurs indépendants. C’est un sujet qu’il faudrait repenser pour que cette protection soit rattachée à la personne, et non conditionnée au fait de travailler avec telle ou telle plateforme. Rappelons que l’écrasante majorité des travailleurs indépendants n’utilise pas de plateforme pour trouver du travail ! Seule la puissance publique peut être garante de la protection sociale sur la durée.
Copyright : Daniel LEAL-OLIVAS / AFP
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