Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
12/04/2021

L’IA au sein de la Gendarmerie nationale : un enjeu de confiance

Trois questions au général Gilles Martin

Imprimer
PARTAGER
L’IA au sein de la Gendarmerie nationale : un enjeu de confiance
 Gilles Martin
Général de brigade

L’intelligence artificielle s’inscrit au cœur de la nouvelle stratégie GEND 20.24 portée par la Gendarmerie nationale. Le général Gilles Martin, sous-directeur des compétences au sein de la direction générale de la gendarmerie nationale, nous explique que pour relever le double défi de transformation interne et du maintien d’une relation de confiance avec les citoyens français, la Gendarmerie a fait le choix de placer l’humain au cœur de cette stratégie. Elle s’est notamment engagée à former l’intégralité de son personnel militaire et civil aux enjeux de l’intelligence artificielle, avec la formation Objectif IA proposée par l’Institut Montaigne. À date, plus de 90 870 gendarmes ont suivi le cours se traduisant par 86 377 attestations délivrées.

En quoi l'intelligence artificielle est-elle un enjeu important pour la Gendarmerie nationale ?

L’une des préoccupations centrales de la Gendarmerie est de coller aux défis technologiques de la société. Ce défi est permanent et essentiel pour garantir la sécurité des Français face à l’émergence des nouvelles menaces qui accompagnent ces transformations, telles que la délinquance liée au cyberespace.
 
Pour relever ce défi, l’IA est désormais un domaine qui ouvre des perspectives sans égales. Avec une quantité de données disponibles et une puissance de calcul qui croient sans cesse, elle permet notamment de collecter et de traiter des masses de données inouïes.
 
Pour la Gendarmerie, l’IA constitue en premier lieu un enjeu d’amélioration de la sécurité des Français, mais aussi un enjeu important pour son propre développement interne. Au sein de la Gendarmerie, l’IA a quatre utilisations principales.

  • Permettre une meilleure sécurité, avec de nouveaux moyens pour mieux comprendre et appréhender la délinquance, qui est en perpétuelle évolution (traitement de big data, reconnaissance faciale, prédiction de la délinquance).
     
  • Aider les patrouilles sur le terrain à prendre des décisions dans des situations complexes, guidées par les données sur des situations similaires survenues par le passé par exemple.
     
  • Aider les gendarmes à anticiper leurs évolutions de métier et leur proposer une évolution interne. L’une des premières applications de l’IA au sein de la Gendarmerie s’est centrée sur la gestion des ressources humaines, avec des chatbots conçus pour donner de la visibilité sur les parcours professionnels des gendarmes.
     
  • Apporter des outils permettant de recentrer l’humain au cœur des préoccupations métiers, de libérer le gendarme de ses tâches répétitives, pour lesquelles l’IA est mieux adaptée, et ainsi de redonner du temps pour renforcer la relation entre les gendarmes sur terrain et les citoyens.

La Gendarmerie porte une nouvelle ambition pour la sécurité des concitoyens français

Au-delà des défis technologiques, le développement de l’IA encourage la Gendarmerie à réfléchir à des défis éthiques et juridiques particulièrement utiles et structurants, liés par exemple à la garantie d’une sécurité équitable pour tous et du respect des libertés individuelles.

Comment l'IA est-elle utilisée par la Gendarmerie, et comment sera-t-elle utilisée à l'avenir ?

Depuis 2020, la Gendarmerie porte une nouvelle ambition pour la sécurité des concitoyens français : la stratégie GEND 20.24 lancée par le directeur général Christian Rodriguez lors de sa prise de fonction en 2020. Le slogan de cette stratégie, "pour la population, par le gendarme", traduit cette volonté de placer le gendarme au cœur de la population et au service des citoyens, en établissant une relation de confiance, de responsabilité et d’humanité au niveau des préoccupations de sécurité.

Dans ce plan, l’IA occupe un volet important : Cap IA, "l’I.A. pour la population, l'I.A. par le gendarme". Cap IA met en avant trois principaux axes d’utilisation de l'IA par la Gendarmerie.

  • Accroître la sécurité des concitoyens. L’IA permet par exemple de mieux anticiper la délinquance, ou d’optimiser les délais et l’efficacité d’une intervention en sélectionnant en temps réel la patrouille la plus proche et selon le succès d’interventions précédentes avec des paramètres liés au contexte précis. Elle permet aussi d’augmenter l’efficacité des centres d’appel en les aidant à gérer les appels prioritaires ou d’améliorer la détection de fraudes, d’anomalies et de dysfonctionnements par exemple grâce à des systèmes de vidéoprotection.
     
  • Améliorer la relation entre le gendarme et l’usager. Certains outils d’IA seront utilisés directement auprès du public, afin d’améliorer les services de la Gendarmerie avec plus de fiabilité et de sécurité, une interface permettant un accès facilité à distance et un meilleur parcours usager. D’autres permettent aux gendarmes de dégager du temps humain pour améliorer leur relation avec les usagers et les citoyens.
     
  • Améliorer le travail du personnel de la Gendarmerie selon une logique interne de performance et d’efficience. L’IA est particulièrement utile pour permettre un traitement de données plus performant et fiable au niveau de la collecte, du tri, du croisement d'informations et de la planification d’actions. Cela participe à la transformation du métier de gendarme pour le concentrer sur les missions à haute valeur ajoutée.

La Gendarmerie a fait le choix d’introduire son personnel à l’IA via des outils de ressources humaines et de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) dans un premier temps. C’est l’ambition du programme de transformation de la GRH porté par la direction des personnels militaires (DRH) et baptisé M@ GRH. D’autres outils suivront, pour faciliter le maintien en condition opérationnelle des véhicules, pour permettre une meilleure classification et une génération automatisée de documents, et pour mieux trier des documents dans le corpus législatif et administratif, par exemple, facilitant ainsi le travail du gendarme au quotidien.
 
Dans ce cadre, la formation aux enjeux de l’IA est clé, puisqu’elle accompagne le développement, l’organisation, le management, la promotion et l’éthique de l’IA. L'initiative Objectif IA portée par l’Institut Montaigne s’inscrit pleinement dans cette démarche. 

Pourquoi la Gendarmerie a-t-elle souhaité former l'intégralité de ses personnels militaires et civils aux enjeux de l'IA avec la formation Objectif IA ?

L’IA est une discipline qui ouvre le champ des possibles pour la Gendarmerie, en améliorant la sécurité des Français et le quotidien de son personnel.

Néanmoins cette discipline est encore méconnue et, à cet égard, peut parfois faire peur. Or pour que les citoyens aient confiance en l’utilisation que fait la Gendarmerie de l’IA, il faut tout d’abord que les gendarmes soient eux-mêmes convaincus de la bonne utilisation et du bien-fondé de cette technologie.

L’IA ouvre le champ des possibles pour la Gendarmerie. 

Par ailleurs, l’IA et le traitement de grandes masses de données peuvent donner lieu à certaines défaillances comme le risque de biais avec un impact négatif en termes d’image ou de réputation. Il est essentiel que chaque gendarme et personnel civil puisse comprendre les possibilités offertes par l'IA, comment cette technologie fonctionne, avec ses ses dangers, ses dérives, ses limites et les précautions à prendre.
 
Dans ce contexte, l’objectif que s’est fixé la Gendarmerie dans le cadre de l'initiative Objectif IA - former l’ensemble des plus de 100 000 personnels militaires et civils aux enjeux de l’intelligence artificielle, participe à trois grandes ambitions.
 
En premier lieu, un effort de formation au numérique. Depuis deux ans, la Gendarmerie a instauré une journée de formation annuelle au numérique, au cours de laquelle chaque personnel suit une formation au numérique. En 2019, la Gendarmerie avait fait le choix d’une première journée en présentiel. Pour la seconde édition, et bien nous en a pris avec la pandémie, nous avions opté pour une formation à distance qui offrait davantage de flexibilité aux unités de terrain qui avaient été particulièrement sollicitées avec la crise des gilets jaunes. Ce choix permet de réaliser l’objectif de formation annuel avec la formation en ligne Objectif IA, malgré la crise du Covid-19.
 
Une seconde ambition est de sensibiliser tout le monde à son niveau, de l’exécutant jusqu’au dirigeant, pour qu’il puisse se rendre compte des possibilités offertes par cette technologie et ainsi s'imprégner d'une culture de la transformation. L’objectif est que chacun puisse se demander comment il peut améliorer et transformer son métier, notamment en limitant les tâches répétitives et rébarbatives à plus faible valeur ajoutée.
 
Enfin, il s'agit d’entretenir l’image d’une Gendarmerie moderne, qui se veut à la pointe de la technologie et en phase avec les enjeux de la société.

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne