En résumé, Ben Laden a affaibli le monde musulman radical et fragilisé le monde occidental libéral. Et il l'a fait essentiellement au profit du "despotisme oriental", pour reprendre l'expression du philosophe américain d'origine allemande, Karl Wittfogel. Il reste à savoir – les historiens le diront – si ce n'est pas avant tout l'Amérique qui s'est affaiblie elle-même, en se fixant avec légèreté des objectifs qui n'étaient tout simplement pas atteignables : transformer l'Afghanistan puis l'Irak en des démocraties sur le modèle occidental. Les invasions étrangères ne produisent jamais des régimes démocratiques dans des sociétés pauvres et profondément divisées.
Une nouvelle "assurance-vie"
La "doctrine Biden" - qui vient d'être précisée par son auteur au lendemain de la chute de Kaboul - serait-elle aujourd'hui sur le fond, aussi peu réaliste que ne pouvait l'être le projet de Ben Laden hier ? Pour Biden, l'Amérique, une fois mis l'Afghanistan et plus globalement le Moyen-Orient derrière elle, va pouvoir enfin se recentrer sur des défis plus importants comme le réchauffement climatique ou la rivalité avec la Chine. Elle le fera en adoptant des méthodes de lutte contre le terrorisme ou contre ses rivaux autoritaires, qui seront plus indirectes, plus adaptées et infiniment moins coûteuses en argent comme en vies humaines.
Hélas, le postulat selon lequel l'Amérique – et avec elle ses alliés – sont depuis le retrait d'Afghanistan dans une position bien meilleure pour faire face aux défis de 2021 (qui ne sont pas ceux de 2001), n'est que très partiellement fondé. Il présuppose d'abord que l'Afghanistan ne redevienne pas un sanctuaire pour les terroristes. Ce qui est loin d'être garanti.
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