Une deuxième impression ressort des témoignages locaux : l’Irak attend l’Europe. Vu de Bagdad, seuls les Européens peuvent faire contrepoids à l’influence omniprésente de l’Iran, et la présence fluctuante des Etats-Unis, dont personne ne sait vraiment quel rôle ils veulent, peuvent jouer à moyen-terme dans la région. L’influence russe à Bagdad n’est pas non plus perçue comme stabilisatrice : les intérêts de Moscou en Irak, du propre aveu des experts russes, se cantonnent à la lutte contre le terrorisme et l’énergie (exploitation et acheminement du pétrole dont regorge le sous-sol du Sud irakien).
Là où le rapport de force saoudo-iranien prend la forme d’un jeu à somme nulle, l’influence européenne, perçue comme politiquement neutre depuis Bagdad, est donc accueillie favorablement, dans la lignée de coopérations déjà engagées dans les domaines de l’eau, des énergies, des infrastructures, de l’éducation, de la gouvernance ou encore du dialogue de réconciliation. Les Européens se distinguent aussi des autres puissances extérieures – y compris la Chine, évidemment omniprésente sur le plan économique – par son attachement à l’Etat de droit et à la démocratie, et son intérêt pour la société civile. Fait suffisamment rare pour être souligné s’agissant du Moyen-Orient, les Etats-membres ne sont pas divisés par des intérêts divergents. Ils pourraient faire davantage pression pour un engagement plus actif des institutions européennes (ni Mme Mogherini, ni aucun Commissaire n’a visité Bagdad après la conférence de Koweït, en février, qui a mobilisé des contributions internationales pour la reconstruction post-Etat islamique).
S’ils acceptent d’investir des moyens en Irak, les Européens disposent donc aujourd’hui d’une fenêtre d’opportunité dans ce pays pour développer un plan cohérent, là où les Etats-Unis et la Russie, certes pourvus de moyens, manquent vraisemblablement de vision à long terme. Dans l’absolu, on pourrait même imaginer que leur rôle dans la défense de l’accord nucléaire avec l’Iran leur vaille suffisamment de crédit à Téhéran pour inciter l’Iran à ne pas surjouer sa main en Irak.
Ajouter un commentaire