L'Éthiopie a été considérée comme une force de stabilisation dans la Corne de l'Afrique : un statut qui vaut à sa capitale Addis-Abeba d'être le siège de l'Union africaine qui exerce au nom de l'ONU des opérations de maintien de la paix en Somalie, au Soudan et au Sud Soudan.
Mais qui va imposer la paix en Éthiopie, si son Premier ministre Abiy Ahmed perd son pari de remporter une guerre rapide ? Se pourrait-il que l'Éthiopie soit sur le point de devenir pour l'Afrique d'aujourd'hui, l'équivalent de ce que fut la Yougoslavie pour l'Europe aux débuts des années 1990 : un pays au bord de la désintégration ?
Avec certes une différence majeure : dans les Balkans, le conflit ne s'est pas élargi au-delà des frontières de l'ex-Yougoslavie. Dans la Corne de l'Afrique, les risques sont plus grands. L'Éthiopie n'a pas l'Union européenne à ses frontières, mais un pays comme l'Erythrée, qui a fait partie de l'Éthiopie et qui a de très mauvaises relations avec la province du Tigré qu'elle jouxte. La capitale de l'Erythrée, Asmara, a été visée à plusieurs reprises par des roquettes tirées depuis le Tigré.
De plus, 40 000 Éthiopiens ont trouvé refuge au Soudan, un pays qui n'est absolument pas préparé à les accueillir. Le seul acteur étatique qui pourrait se réjouir de la montée des tensions en Éthiopie est l'Égypte, son grand rival pour le contrôle des eaux du Nil.
Y aurait-il une "malédiction du prix Nobel de la paix" comme il existe une "malédiction du pétrole" ? De Myanmar à l'Éthiopie, d'Aung San Suu Kyi à Abiy Ahmed, la récompense suprême monte-t-elle à la tête de certains de ses récipiendaires, leur donnant un sentiment d'impunité et de puissance qui peut mener à tous les excès, à toutes les imprudences ?
Avec l'aimable autorisation des Echos (publié le 29/11/2020)
Copyright : EDUARDO SOTERAS / AFP
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