Quant à la Normandie, c’est avant tout la région où les habitants se déclarent les plus heureux, mais aussi de plus en plus heureux. Ce sentiment est partagé par près de 81 % de la population régionale et a progressé de 6 points depuis 2017. Parallèlement à cette satisfaction largement partagée, les habitants de la région Normandie ont de moins en moins l’impression d’évoluer dans une société injuste, 68 % en sont persuadés aujourd’hui, contre 79 % en 2017.
Cette satisfaction repose sur des évolutions tangibles et notamment la hausse du pouvoir d’achat pour les Normands : le pourcentage de ménages en mesure de finir le mois sans se restreindre a augmenté de 15 points, passant de 47 % à 62 % des ménages. Ces progrès vécus, la part des Normands "sur le fil" diminue de 7 points, et largement ressentis par les habitants de la région Normandie peuvent expliquer le renforcement de l’électorat macroniste et le basculement électoral à la faveur du président-candidat.
Mais la progression de Marine Le Pen en toile de fond n’en est pas moins marquée. Les habitants de ces deux régions partagent un fort pessimisme quant à l’état de la France : 70 % des Normands sont pessimistes sur l’avenir de la société française, et 75 % des Centrais partagent ce sentiment. 67 % des Normands estiment que ce qui divise les Français est plus fort que ce qui les rassemble. En Centre-Val de Loire, les habitants sont un peu plus nombreux que la moyenne nationale à avoir le sentiment de vivre dans une société injuste :71 %, contre 68 % à l’échelle nationale et ce sentiment recule entre 2018 et 2021. Cette dynamique explique la solidité du bloc d’extrême-droite et la tentation extrémiste pour l’électorat de ces deux régions.
On comprend cependant que cette bascule du côté d'Emmanuel Macron a été favorisée par plusieurs leviers et notamment celui d’une amélioration très nette de la qualité de vie des Normands et des Centrais.
Les bastions : Nouvelle-Aquitaine, Bretagne, Auvergne-Rhône-Alpes et les Pays de la Loire
Les autres régions qui composent le socle électoral d’Emmanuel Macron ont confirmé une adhésion déjà actée en 2017. Cependant, cette adhésion se fait en parallèle d’une progression des candidats les plus radicaux que sont Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. En Auvergne-Rhône-Alpes, la tendance est à la hausse du côté de Marine Le Pen comme de Jean-Luc Mélenchon dont l’électorat s’est affermi au premier tour, avec respectivement 20,7 % et 19,2 % des voix en 2017 contre 22,3 % et 21,2 % des suffrages exprimés en 2022. De même en Bretagne où la tendance est nettement à la hausse du côté de Marine Le Pen dont l’électorat progresse, de 15,3 % des voix en 2017 contre 19,5 % des suffrages exprimés en 2022. On observe les mêmes dynamiques en Nouvelle Aquitaine, Marine Le Pen progresse de 18,9 % à 22,8 % des voix, et dans le Pays de la Loire, où elle avait l’un des scores les moins élevés en 2017, 16,6 %, et où elle passe à 20,8 % en 2022.
Ces régions partagent en effet des caractéristiques qui expliquent leur attirance croissante pour les partis extrémistes et notamment le Rassemblement national. La principale de ces caractéristiques est le renforcement de certaines catégories sociologiques au sein de ces populations régionales. La plupart de ces régions ont vu la part des "enracinés" augmenter pendant le quinquennat : en Bretagne, ils passent de 32 % en 2018 à 36 % en 2021, en Auvergne-Rhône-Alpes, les Français "enracinés" représentent près d’un tiers (33 %) de la population régionale, soit le groupe sociologique le plus important de la région en 2021, en progression de 10 points par rapport à 2018. En Nouvelle-Aquitaine, la part de ces "enracinés" passe de 26 à 34 %, soit 3 points au-dessus de la moyenne nationale. Enfin, la région Pays de la Loire est une de celles qui voit la catégorie des "enracinés" le plus progresser, de 13 points entre 2018 et 2021. Ces Français particulièrement attachés à leur territoires sont la cible des arguments du Rassemblement national qui prône un retour au local et un entre-soi à tous les niveaux. De plus, dans la plupart de ces régions, les tensions liées au pouvoir d’achat sont plus fortes qu’ailleurs : en Bretagne, par exemple, le pouvoir d’achat progresse moins vite que la moyenne nationale et de même en Nouvelle-Aquitaine, seuls 61 % des habitants ont la possibilité de bien vivre jusqu’à la fin du mois sans se restreindre en 2021 et ces tensions sur le pouvoir d’achat semblent avoir été présentes tout au long du quinquennat. Cet élément essentiel pour la qualité de vie est donc moins présent dans certaines de ces régions et pourrait expliquer que Marine Le Pen puisse combler son retard.
Jean-Luc Mélenchon a également enregistré une forte progression dans ces régions, notamment auprès des Auvergnats et des Bretons. En Auvergne-Rhône-Alpes, il passe de 19,2 % à 21,2 % et en Bretagne de 19,3 % à 20,7 %, les deux plus fortes progressions hors d’Île-de-France. Les habitants de ces régions partagent avec le candidat de La France insoumise une sensibilité plus importante que la moyenne nationale concernant les enjeux écologiques : 77 % des Bretons ont le sentiment d’être dans l’obligation de changer leurs habitudes pour préserver l’environnement. Cette volonté d’action se traduit aussi parmi les habitants de la région Centre-Val de Loire. Ils sont ceux qui expriment le plus leur sentiment de frustration à l’égard des enjeux environnementaux : 82 % d’entre eux ont l’impression de ne pas pouvoir agir, faute de moyens financiers, soit 2 points de plus que la moyenne nationale.
Ajouter un commentaire