De manière sans doute injuste, elle a été perçue comme ambiguë sur la Chine, soutenant l’accord UE-Chine sur les investissements de fin décembre 2020, pourtant principalement poussé par l’Allemagne, et paraissant se faire l’avocate dans sa stratégie indopacifique d’une "troisième voie" en contradiction avec la ligne américaine de confrontation.
Certaines "petites phrases" du président Macron n’ont pas manqué de conforter la méfiance des dirigeants américains ; on pense par exemple à sa formule "la Chine n’est pas sur la carte atlantique" en marge du sommet de l’OTAN.
Ce contexte fournit un éclairage au véritable traquenard dont les Français ont été victimes avec le pacte de sécurité tripartite AUKUS - Australie, Royaume-Uni, États-Unis - écartant brutalement Naval Group du marché des sous-marins australiens, et détruisant un volet important de la stratégie indopacifique de la France dans des conditions particulièrement humiliantes. Nous avons du mal, en France, à prendre au sérieux l’anglosphère et il est exact que jusqu’ici, la présence du Royaume-Uni en Indopacifique était nettement moins significative que la nôtre. Le fait est que Canberra et Londres ont fait jouer à fond des liens historiques. Le gouvernement Johnson a été bien entendu trop heureux d’infliger un camouflet à Paris. Quant au secret gardé par la Maison-Blanche vis-à-vis des autorités française - irresponsable évidemment - il relève peut-être de l’acte manqué : la France n’a pas été jugée suffisamment importante, ou suffisamment utile, pour que l’on se donne la peine d’éviter de la froisser.
Dans ces conditions, les Français n’avaient d’autres choix que de dramatiser la situation et d’en faire une crise majeure - exercice auquel ils sont, il est vrai, assez rompus dans leurs rapports avec l’Amérique. S’il y a eu manque de professionnalisme de la part de l’administration Biden, c’est dans la sous-estimation de ce que serait la réaction française. On dit beaucoup que Paris n’a pas été soutenu par ses partenaires européens. On peut en discuter : les déclarations de solidarité de la Présidente de la Commission, d’autres dirigeants et des ministres des Affaires étrangères des 27 réunis à New-York n’allaient nullement de soi dès lors que la crise avait pour point de départ la rupture d’un contrat franco-australien auquel les Européens n’avaient jamais été en quoi que ce soit mêlés.
On peut même dire que les Français ont réussi à créer la perception d’un différend euro-américain à partir d’une crise impliquant au départ des intérêts purement français. Cet élément a peut-être contribué au dénouement - provisoire certes - de la crise. Il est en tout cas très présent dans les pistes d’intensification du dialogue que prévoit le communiqué de "réconciliation" publié par l’Élysée et la Maison Blanche après la conversation téléphonique Biden-Macron du 22 septembre :
- "Les États-Unis réaffirment que l’engagement de la France et de l’Union européenne dans la région indopacifique revêt une importance stratégique, notamment dans le cadre de la stratégie de l’Union européenne pour la coopération dans la région indopacifique récemment publiée".
- "Les États-Unis reconnaissent aussi l’importance d’une défense européenne plus forte et plus capable, qui contribue à la sécurité globale transatlantique et est complémentaire à l’OTAN".
- "Les États-Unis s’engagent à renforcer leur appui aux opérations antiterroristes conduites par les États européens dans la région du Sahel, dans le cadre de leur lutte commune contre le terrorisme". (note : le fait que les collaborateurs des deux présidents aient cru nécessaire de faire figurer cette phrase laisse entendre que la tendance à Washington était à la fermeture de cette annexe des "guerres sans fin").
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