C’est alors que survient l’épidémie du Covid-19, qui frappe durement l’Italie, en particulier la Lombardie. La gestion de cette crise sanitaire constitue le deuxième grand moment de révélation de la personnalité de Giuseppe Conte, après l’épisode de l’été précédent. Le Président du Conseil se projette immédiatement en première ligne et de manière ostensible. Il ne cesse de communiquer, notamment sur Facebook et à l’occasion de conférences de presse, gouverne à coups de décrets-lois du Président du Conseil, se dispense de convoquer le Parlement et ne s’y résigne que contraint et forcé par l’opposition mais aussi les partis de la majorité. Il prend des mesures de confinement d’abord localisées, à partir du 22 février, puis étendues à toute la péninsule le 9 mars. Il annonce des sommes d’argent colossales pour soutenir les populations les plus démunies et les entreprises. Il proteste, comme le Président de la République Mattarella, au milieu du mois de mars après les propos malheureux de la Présidente de la Banque centrale européenne qui disait que celle-ci ne pouvait pas faire grand-chose ou contre ceux d’Ursula von der Leyen, qui dénotaient un manque d’empathie pour le drame que vivait l’Italie. Il agit ensuite de concert avec Emmanuel Macron et Pedro Sanchez pour obtenir des aides de l’Union européenne, lesquelles sont encore objet de tractations et ne correspondent pas exactement à ce qu’avançait Giuseppe Conte, qui voulait des coronabonds. Il a bien négocié le déconfinement et au cours de celui-ci a convoqué des états généraux de l’économie, rassemblant de multiples acteurs sociaux ainsi que des personnalités européennes pour déterminer les priorités de l’action publique, initiative au succès mitigé mais qui le met au centre de l’attention. Giuseppe Conte bénéficie alors d’une popularité remarquable, qu’aucun de ses récents prédécesseurs n’avait connue. En outre, il est manifestement soutenu par l’Eglise catholique qui certes a moins d’emprise sur la société qu’auparavant, mais dont les déclarations comptent encore. Son blason est redoré au sein de l’Union européenne, du moins à Bruxelles, Paris, Berlin, Madrid et Lisbonne, beaucoup moins dans les pays du Nord, du Centre et de l’Est qui se méfient aussi bien de l’Italie que de la France, ces états selon eux dépensiers et irresponsables. Le revirement de Giuseppe Conte semble donc spectaculaire. Pourtant, de multiples nuances doivent être introduites dans ce tableau par trop monochrome.
À dire vrai, ce qu’a fait Giuseppe Conte n’est pas aussi inédit que ce que la majorité des commentateurs affirme. Face aux catastrophes naturelles, en particulier les tremblements de terre, l’Histoire montre que le plus souvent, les Présidents du Conseil jouent un rôle prééminent et déterminant. Conte, comme d’autres dans le passé, s’est largement appuyé sur la Protection civile, un organisme efficace, expérimenté et plébiscité par les Italiens.
Mais surtout, l’action de Conte ne saurait masquer les obstacles qu’il a rencontrés, les questions cruciales non encore résolues et les problèmes posés. Giuseppe Conte a agi face au Covid-19 en s’appuyant sur de très nombreux groupes d’experts, au point que le politique semblait s’effacer derrière la science. De vives tensions ont éclaté entre les décisions prises pour juguler l’épidémie par la Présidence du Conseil à Rome, qui tendait à une centralisation maximale, et les régions qui ont compétence sur la santé : cela a été vrai avec celles dirigées par des membres de la Lega, telles la Lombardie et la Vénétie, mais également, fût-ce dans une moindre mesure, avec l’Emilie-Romagne, dont le Président est membre du Parti démocrate. Les mesures de soutien annoncées par Rome ne se concrétisent que lentement et s’enlisent souvent dans les arcanes d’un appareil administratif pléthorique et inefficace, ce qui provoque un certain chaos et du mécontentement. Suite aux décisions prises par l’Union européenne, le gouvernement s’interroge sur la nécessité de recourir au Mécanisme européen de stabilité, ce que rejettent la Ligue et Fratelli d’Italia. Par ailleurs, l’exécutif peine à proposer un vaste plan de réformes, non seulement pour amortir le choc de la crise du Covid-19, mais encore pour s’attaquer, enfin, aux problèmes structurels qui affectent l’Italie, comme, dans une longue liste, la croissance anémiée, la faible productivité, l’énorme dette publique, encore plus importante à la suite des mesures prises contre les effets de la pandémie (elle pourrait se monter à près de 156 % du PIB, le déficit dépassant désormais les 10 %), le retard abyssal en matière de recherche et d’innovation, la nécessaire réforme de l’administration publique, la déficience de nombreuses infrastructures publiques, etc. La puissante organisation patronale, la Confindustria, a un temps fustigé durement la politique du gouvernement qui, selon elle, ne permettait pas une vraie reprise économique et n’aidait pas suffisamment les entreprises : au final, un accord semble avoir été trouvé. Les syndicats s’inquiètent de la dégradation de la situation sociale du pays.
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