Après l’attentat de Christchurch (Copyright AP)
Le discours de Jacinda Ardern devant la 74ème Assemblée générale des Nations Unies a été éclipsé dans les médias par la présence de son bébé, qu'elle a décidé d'allaiter, dans la salle. C'était pourtant l'occasion pour elle d'affirmer la place de la Nouvelle-Zélande comme puissance régionale, par rapport aux micro-états du Pacifique sud. En septembre 2019, conjointement avec le Premier ministre fidjien, Frank Bainimarama, elle initie un Accord sur le changement climatique et le commerce durable. Ses homologues, les Premières ministres de l'Islande et de la Norvège, font également partie de cette initiative. Lors des sommets du Forum du Pacifique Sud elle a mené la charge contre le Premier ministre australien, Scott Morrison, climatosceptique notoire qui refuse de considérer la menace existentielle pour les petits états insulaires que représente la montée des océans. Pendant les terribles feux de forêts en Australie fin 2019 et le refus obstiné de Morrison de reconnaître leurs liens avec le changement climatique, la réputation de Jacinda Ardern s'est renforcée de l'autre côté de la mer de Tasman. Un récent sondage de l'Institut Lowy la place comme la personne politique en laquelle les Australiens ont le plus de confiance, nettement plus qu'en leur propre Premier Ministre.
Le 8 décembre 2019 une éruption volcanique frappe l'île touristique de White Island tuant une vingtaine de touristes et de sauveteurs. Les mots justes prononcés par Jacinda Ardern envers les victimes, qui soulignent le courage des sauveteurs qui ont péri, ont renforcé cette image d’une jeune maman, d’une grande sœur, et d’une professionnelle de la politique hors pair. Ces qualités sont mises à rude épreuve, avec l’arrivée en février 2020 de la pandémie de Covid-19 en Nouvelle-Zélande. Ses premières décisions en été radicales : fermeture totale des frontières pour bénéficier de l’insularité du pays, et l’imposition d’un des confinements les plus stricts de la planète. Ses interventions tous les soirs depuis son salon, une fois son bébé, Neve, couchée, et devant un slogan "S’Unir contre le Covid-19" ont su rassurer la population. La dimension pédagogique de ces "conversations entre amis", rappelle les interventions d’une autre Première ministre dans les mêmes circonstances, l’Écossaise Nicola Sturgeon Mais, dans un pays ou le sport en équipe, savoir le rugby, est presque une religion nationale, ses injonctions à "l'Équipe Nationale" ont été entendues. Pour l’instant, la Nouvelle-Zélande est le seul pays qui semble avoir contenu le virus et qui n’a pas connu de deuxième vague. Le pays a pu entamer un déconfinement graduel avec succès. Une vidéo de Jacinda Ardern et son compagnon, refusés à l’entrée dans un restaurant de Wellington en vue du respect des distanciations sociales, a encore renforcé l’image de cette Première ministre modeste, dans l’estime de ses concitoyens. Avec les mesures annoncées pour l’économie et surtout les salariés, sa gestion de la crise de Covid-19 fait presque l’unanimité dans l’archipel et suscite l’envie chez ses voisins australiens dirigé par un mini-Trump, Scott Morrison.
L'action ferme et décisive de Jacinda Ardern face à la pandémie du Covid-19 a encore renforcé sa réputation internationale comme championne des États insulaires. Concrètement, quand il était question de créer un "travel bubble" avec l'Australie, la Nouvelle-Zélande a insisté pour que les micro-États du Pacifique sud puissent aussi en bénéficier. En outre, et plus qu'ailleurs, le programme économique pour surmonter la crise du Covid-19 donne une priorité à l'écologie. Si la Nouvelle-Zélande était le "paradis des ouvriers" au début du siècle dernier, on pourrait dire que la Nouvelle-Zélande est maintenant un "paradis des défenseurs de l'environnement". Premier exportateur des produits laitiers, l'image d'une Nouvelle-Zélande verte - image renforcée par le nombre de films tel que le Seigneur des Anneaux qui y ont été tournés - est aussi un bon outil marketing.
Conclusion
Les élections législatives ont été annoncées pour le 19 septembre 2020, mais risquent d’être reportées en raison de la reprise de l’épidémie. Un dernier sondage publié le 26 juillet 2020 par l’institut Newshub-Reid, lui accorde une cote de popularité de 62 % par rapport au 14,6 % alloué à la nouvelle leader du Parti national, Judith Collins. Le Parti Travailliste semble en mesure de gouverner avec une majorité absolue à lui seul. Cependant, comme l‘a montré Jacinda Ardern, sept semaines peuvent se révéler une éternité en politique.
Illustration : David MARTIN pour l'Institut Montaigne
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