L’impact d’une campagne précoce de sensibilisation à la dangerosité du Covid-19 et de tests de dépistage s’est révélé d’autant plus fort auprès d’une population vieillissante (20,5 % de plus de 65 ans, contre 13,1 % en 1994), que celle-ci connaît les faiblesses et les disparités territoriales d’un Système national de santé (SNS) durement mis à mal par les années d’austérité : dès le 12 mars, aucun décès ou cas grave n’ayant alors été enregistré, l’état d’alerte est déclaré, puis l’état d’urgence le 19 mars, les écoles ayant été fermées le 16 mars et un cordon sanitaire étant établi autour de la ville d’Ovar (55 000 habitants) le 17 mars.
Début avril, plus de 110 000 tests de dépistage ont déjà été réalisés depuis le 1er mars, atteignant une capacité quotidienne de 11 000 tests, niveau comparable à des pays comme le Danemark. Fin avril, près de 23 tests pour 1000 habitants ont été pratiqués, plaçant le Portugal dans la moyenne des pays de l’OCDE. Quant aux masques de protection, gants et gel hydro-alcoolique, les Portugais se les procurent assez facilement dans les villes, nombreuses à distribuer dans les boîtes aux lettres des kits gratuits de 5 masques, avec une notice rappelant les gestes barrières. L’industrie textile est rapidement mobilisée pour fabriquer des masques en quantité. Plusieurs avions sont également arrivés de Chine avec du matériel, en particulier les appareils de ventilation. L'ambassade du Portugal à Pékin est devenue une sorte de grand entrepôt de matériel médical, où l’ambassadeur - et ancien conseiller diplomatique du président de la République Rebelo de Sousa - se démène sans compter. Rappelons que, suite à la rétrocession de Macao en 1999 et la signature en 2004 d’un premier partenariat stratégique, la Chine a identifié le Portugal comme l’une de ses têtes de pont pour étendre son influence, investissant massivement à la faveur de la crise financière et de l’austérité, au point de faire craindre que le Portugal soit en passe de devenir un "porte-avions de la Chine en Europe".
Cette bonne anticipation au regard de la situation épidémique du pays (2 premiers cas de contamination constatés le 2 mars - un homme de 60 ans de retour d’Italie et un homme de 33 ans de retour de Valence - annonce du premier décès le 16 mars) et des capacités hospitalières a permis d’éviter le pire. D’autant qu’une bonne partie de la population s’est auto-confinée, avant même les mesures prises par le gouvernement. Ainsi, de nombreux parents ont retiré leurs enfants des écoles, avant même le 16 mars. D’autres facteurs ont pu jouer, comme l’absence de foyer épidémique majeur grâce, notamment, à l’élimination précoce des clubs du Benfica Lisbonne et du FC Porto de la Champion’s League de football, avant le stade des huitièmes de finale, évitant des situations dramatiques comme celle du match aller à Milan, le 19 février, entre l’Atalanta Bergame et le FC Valence, véritable "cluster" épidémique rassemblant plus de 50 000 supporters des deux clubs dans la capitale de la Lombardie, épicentre de la pandémie en Europe.
Si le Portugal fait partie des pays européens les moins touchés par l’épidémie, il craint comme tous l’arrivée d’une deuxième vague, au regard notamment du faible pourcentage de la population immunisée. Cela explique une vigilance redoublée lors du week-end de Pâques, traditionnellement propice aux déplacements et rassemblements familiaux, et la prolongation de l’état d’urgence jusqu’à début mai. D’où aussi la décision, chargée d’affects, d’annuler les défilés traditionnels de commémoration de la Révolution des œillets, notamment celui de l’Avenida da Liberdade à Lisbonne, accompagnée d’un appel lancé aux Portugais pour que, le 25 avril, à 15h, ils aillent à leur fenêtre chanter "Grândola, Vila Morena / Terra da Fraternidade", la chanson emblématique du Mouvement des forces armées (MFA) et du 25 avril 1974. Quant au Parlement, il prend la décision, après quelques polémiques, de réduire des trois quarts, avec distanciation physique, le nombre de participants à la traditionnelle session commémorative du 25 avril à l’Assemblée de la République, "Jour de la Liberté."
Résilience et solidarité
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