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27/05/2020

Les États face au coronavirus - La Belgique : Une gestion de crise réussie malgré un contexte politique fragile

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Les États face au coronavirus - La Belgique : Une gestion de crise réussie malgré un contexte politique fragile
 Sophie Pornschlegel
Auteur
Analyste Politique, European Policy Centre

La chronologie

  • 4 février : le premier cas de coronavirus en Belgique est confirmé. Il s'agit d'une femme qui fait partie des neufs Belges revenus de la ville de Wuhan en Chine.
  • 11 mars : les trois premiers morts du coronavirus en Belgique sont annoncés, alors que l’OMS annonce une "pandémie mondiale".
  • 12 mars : le gouvernement fédéral prend les premières dispositions dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, restreignant certaines activités.
  • 17 mars : mise en place du gouvernement Wilmès II. C’est un gouvernement minoritaire de crise avec des pouvoirs spéciaux, mis en place pour six mois. La Première ministre annonce le même jour des mesures strictes de confinement, effectives à partir du lendemain, et ce jusqu’au 5 avril.
  • 27 mars : la Première ministre s’adresse aux Belges et annonce la prolongation du confinement jusqu’au 18 avril, avec la possibilité de prolonger les mesures en fonction de la propagation du virus.
  • 2 avril : création d’un groupe d'experts en charge de la stratégie de sortie (GEES).
  • 8 avril : avec plus de 6 000 lits occupés à l’hôpital, la Belgique atteint le pic de l’infection.
  • 11 avril : émeutes à Anderlecht, une banlieue de Bruxelles, après qu’un jeune homme soit mort en percutant une voiture de police. Près de 100 personnes ont été arrêtées au cours du week-end.
  • 21 avril : la Belgique compte plus de 40 000 contaminations confirmées de coronavirus et 6 000 morts. La Flandre est la région la plus touchée avec 23 325 cas (57 %), 12 884 (31 %) en Wallonie, et 4 169 (10 %) à Bruxelles.
  • 25 avril : la Première ministre présente la stratégie belge de déconfinement, après une longue réunion du Conseil national de Sécurité (CNS). La mise en place d’un vaste plan de dépistage et la théorie des "bulles sociales", afin de tracer les contacts, font partie de la stratégie belge.
  • 3 mai : la Belgique est désormais capable de tester plus de 25 000 personnes par jour, l’une des conditions du déconfinement.
  • 4 mai : la première phase de déconfinement prend effet. Elle sera suivie de mesures additionnelles les 11 et 18 mai ainsi que le 8 juin. Cette première phase concerne la réouverture des magasins de bricolage et de jardinage, et la possibilité de voir 1-2 personnes en dehors du foyer familial. Le masque est rendu obligatoire dans les transports en commun.
  • 18 mai : la deuxième phase du plan de déconfinement est mise en place. Elle concerne les écoles, la culture, le sport et la vie quotidienne.
  • 20 mai : le Parlement fédéral ("la chambre") approuve un projet de loi qui contient plusieurs mesures fiscales afin de relancer l’économie après la crise sanitaire ; le gouvernement belge décide de suspendre deux arrêtés royaux controversés, qui avaient suscité la colère du monde hospitalier, entraînant plusieurs préavis de grève ainsi qu'une symbolique "haie de déshonneur" envers la Première ministre belge, Sophie Wilmès.
  • 8 juin : la troisième et dernière phase de déconfinement devrait permettre aux Belges de voyager à l’étranger et aux restaurants d’ouvrir.

L’analyse

Le coronavirus s’est déclaré en Belgique début février, alors que le pays se trouvait en pleine crise gouvernementale. Après des élections polarisantes en mai 2019, les négociations entre les deux vainqueurs au niveau fédéral, les nationalistes flamands (NV-A) et les socialistes wallons (PS) avaient peu de chance d’aboutir. Cependant, le 17 mars, les partis politiques se sont entendus pour former un gouvernement de crise. Sophie Wilmès, francophone, déjà Première ministre par intérim depuis octobre 2019, a ainsi pu former un gouvernement de crise pour une durée de six mois, doté de pouvoirs spéciaux. Un vote largement majoritaire pour un gouvernement minoritaire : une première dans l’histoire politique belge.

Le coronavirus s’est déclaré en Belgique début février, alors que le pays se trouvait en pleine crise gouvernementale.

Le gouvernement Wilmès II a ainsi pu prendre les rênes afin de gérer la crise sanitaire. Cependant, la situation politique reste fragile, avec un manque de confiance entre les partis politiques exacerbé lors des débats sur la stratégie de déconfinement.

Une gestion de crise plutôt réussie malgré un contexte politique difficile

La première préoccupation du nouveau gouvernement a été d’assurer les soins de santé et de répondre à l’augmentation rapide des cas. L’objectif principal était de disposer d’un nombre de lits suffisant pour faire face à l’arrivée croissante de patients infectés. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a imposé des mesures drastiques aux citoyens dès le 18 mars 2020. L’évolution de l’épidémie et la situation dans les hôpitaux ont été les deux facteurs déterminants quant à la durée et la rigueur des mesures imposées aux citoyens belges, deux jours après l’intervention télévisée du Président Macron. Alors que les partis politiques wallons se sont déclaré en faveur d’un confinement rapide et restrictif sur le modèle français, les Flamands étaient plus sceptiques, craignant les pertes économiques liés à un confinement trop strict.

La réponse gouvernementale a été plus sereine en Belgique qu’en France. Aucun "état de guerre" n’a été annoncé, et malgré une situation politique fragile, le nouveau gouvernement a fait ses preuves en matière de gestion de crise. Selon les correspondants à Bruxelles du Financial Times : "Contrairement à ce que certains auraient pu penser, le gouvernement belge montre qu'un pays divisé peut encore apporter une réponse claire et déterminée à une crise nationale."

L’opinion publique belge a clairement soutenu les mesures de confinement mises en place par le gouvernement Wilmès II. Cependant, cette acceptation ne s’est pas traduite pour autant en un soutien pour le gouvernement fédéral, et ce malgré une communication plutôt transparente. La Première ministre est intervenue régulièrement afin d’expliquer la situation aux citoyens et le Centre de crise interfédéral de lutte contre le coronavirus a tenu quotidiennement des conférences de presse, publiant les statistiques et donnant les conseils de prévention.

Si certains déplorent une prise de conscience trop tardive de la gravité de la situation, le gouvernement semble avoir réagi assez rapidement dès que le nombre de cas et de patients nécessitant des soins intensifs a augmenté. Les mesures de confinement mises en place à partir du 12 et du 17 mars étaient assez strictes, incluant la règle de distanciation sociale, le confinement des citoyens, la fermeture des écoles, des bars et restaurants et des commerces "non-essentiels". Ces mesures ont été prolongées par deux fois, début avril et mi-avril. Plus restrictives qu’en Allemagne, mais moins rigide qu’en France, les Belges avaient, pendant cette période, la possibilité de sortir, sans imprimer d’autorisation, pour faire leurs courses ou pratiquer une activité sportive.

Une solidarité européenne limitée

Dès la mi-mars, des contrôles ont été organisés aux frontières belges pour détecter les déplacements jugés non-essentiels. Le "réflexe national" s’est aussi fait sentir dans le Benelux avec des fermetures strictes de frontières, et ce dans une des régions les plus intégrées d’Europe. On a ainsi pu assister au renvoi par la police belge d’environ 700 néerlandais qui tentaient de traverser la frontière pour faire leurs courses ou leur plein d’essence, dans la mesure où les règles de confinement aux Pays-Bas étaient beaucoup plus laxistes qu’en Belgique.

La Belgique a, par ailleurs, refusé de prendre des patients atteints du coronavirus issus d’autres pays européens. Les sollicitations en ce sens venues d'hôpitaux néerlandais ou italiens ont été refusées, bien que la Belgique disposât de lits vacants en soins intensifs. Selon la Première ministre, tant que le pic des infections n’était pas atteint dans le pays, les soins médicaux devaient être réservés aux résidents en Belgique.

En revanche, la Belgique a fortement critiqué les interdictions d’exportation d'équipement médical mis en place par certains pays européens, comme l’Allemagne et la République tchèque. La ministre de la Santé belge, Maggie de Block, a appelé à agir dans un "esprit européen" et de rester solidaire dans la distribution de masques de protection.

Un taux de contamination élevé et un chiffre de mortalité biaisé

Avec une population d’environ 11 millions d’habitants, la Belgique compte plus de 9 000 morts du coronavirus, soit le plus haut ratio de morts par habitants d’Europe. Ce triste record n’est pourtant pas un signe de l’échec du système de santé. Il est surtout dû à la méthode de comptabilisation. Toutes les personnes décédées en maison de repos et de soins depuis le début de la crise ont été comptabilisées comme étant victimes du coronavirus, alors même que celles-ci n’ont pas été toutes testées. Sur les 9 186 personnes décédées à la date du 22 mai, 48 % sont mortes à l’hôpital, 51 % dans une maison de repos et de soins. Les décès à l’hôpital sont pratiquement tous des cas confirmés, alors que les décès dans des maisons de repos et de soins concernent des cas confirmés (24 %) ou des cas suspects (76 %). Malgré cette méthode qui mise sur une grande transparence, cette comptabilisation a été très critiquée, car elle risque d’endommager la réputation internationale de la Belgique dans cette crise.

Afin de s’assurer de la véracité des chiffres, le gouvernement a décidé d’augmenter massivement et rapidement le nombre de tests, surtout dans les maisons de repos et de soins. Le gouvernement belge s’est focalisé en premier lieu sur les hôpitaux, craignant une situation similaire à l’Est de la France, manquant cruellement de lits en soins intensifs. Cependant, le fait que les décès dans les maisons de retraite n’aient été comptabilisés que tardivement dans les statistiques pourrait suggérer que la "tragédie du coronavirus belge" se soit jouée dans les maisons de repos et de soins.

Ce triste record [du ratio de morts par habitant] du n’est pas un signe de l’échec du système de santé. Il est surtout dû à la méthode de comptabilisation.

De plus, malgré cette comptabilisation différente par rapport à la plupart des pays européens, la Belgique compte tout de même un nombre assez élevé de contaminations : 56 000 cas confirmés pour une population de 11 millions, alors que la France compte plus de 144 000 cas avec une population de 65 millions. Ainsi, 0,49 % de la population a été testée positive au coronavirus en Belgique contre 0,22 % en France (Sciensano, 2020). Ce taux plus élevé est dû à trois facteurs. Premièrement, la Belgique est un petit pays. Ainsi, à partir du moment où le virus est implanté dans une zone, il s’y propage à une vitesse similaire que dans de grands pays, mais touche plus rapidement la population. Deuxièmement, la densité de la population belge est élevée (374 habitants au km²), ce qui augmente le risque de contacts et donc de transmission du virus. Troisièmement, et contrairement à la France, les capacités de dépistage ont été drastiquement augmentées en Belgique, ce qui a permis de confirmer plus d’infections.

Un système de santé capable de gérer la crise sanitaire, malgré un manque criant de personnel soignant

La Belgique figure parmi les bons élèves en Europe quant à ses dépenses de santé. En 2020, le budget belge pour les soins de santé représente un montant total de 27,5 milliards d’euros, soit environ 10 % de son PIB. Cependant, alors que les dépenses de santé ont augmenté chez ses voisins européens, la Belgique, elle, n’a pas augmenté récemment sa part de budget dédiée à la santé. Ainsi, d’après le Bureau fédéral du plan, le budget des soins de santé devrait augmenter de 2,5 % chaque année afin de suivre l'évolution des coûts. Mais la norme de croissance annuelle du budget des soins de santé est fixée à 1,5 % depuis 2015. "Malgré le fait que le système de santé belge soit performant en matière de soins intensifs, il persiste certaines lacunes affectant la résilience du système de santé lorsqu’il est confronté à une crise sanitaire", note la Commission européenne.

En particulier, la Belgique fait face à une pénurie structurelle de professionnels de la santé. Ce manque s’est fait sentir dans les hôpitaux mais également dans les maisons de retraite, qui ont une gestion séparée des hôpitaux (Le Soir, 2020). En effet, les infrastructures hospitalières relèvent de la compétence fédérale, alors que les maisons de retraite relèvent principalement de la compétence des communes. Le manque de cohésion des pouvoirs publics a ainsi joué un rôle dans le nombre de morts du coronavirus en maisons de retraite (51 %).

Le mécontentement du personnel soignant s’est manifesté par le geste symbolique du personnel soignant le 16 mai, tournant le dos à leur Première ministre, Sophie Wilmès, lors d’une visite dans un hôpital à Bruxelles. Cette "haie de déshonneur" était aussi motivée par les coupes budgétaires dans le domaine des soins de santé, quand Sophie Wilmès était ministre fédérale du Budget, entre septembre 2015 et octobre 2019. En effet, elle exigeait une plus grande efficacité des hôpitaux puisque de nombreux lits n’étaient pas occupés avant la crise. Par ailleurs, de nombreux syndicats ont déposés des préavis de grève en mai, déplorant les conditions de travail et le manque d’action du gouvernement.

Le personnel hospitalier a appelé à débloquer les 400 millions d'euros du fonds "blouses blanches", qui doit permettre d’améliorer les conditions de travail dans le secteur infirmier. Cette loi a été votée par le Parlement fin 2019, mais le fonds reste inaccessible pour l’instant, faute de gouvernement fédéral en mesure de proposer une loi de finances. De plus, la publication, le 6 mai, de deux arrêtés royaux, a été très mal accepté par le personnel soignant. L'un aurait donné la possibilité de réquisitionner du personnel de santé en cas de nécessité dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, l'autre porte sur la délégation d'actes médicaux à d'autres professionnels de santé. Ces décisions auraient mis le personnel soignant sous une pression encore plus forte. Depuis, le gouvernement belge a fait marche arrière - les deux arrêtés ont été suspendus. Des concertations sociales vont suivre afin de trouver des solutions communes.

Une pénurie de matériel et de masques dans les hôpitaux

La Belgique n’a pas dû faire face à une situation de manque de lits en soins intensifs et a rapidement pu augmenter sa capacité d’accueil.

Le "surplus" de lits, jugée inefficace par la Première ministre lorsqu’elle était ministre du Budget il y a quelques années, s’est avéré utile en cette période de crise sanitaire. En effet, la Belgique n’a pas dû faire face à une situation de manque de lits en soins intensifs et a rapidement pu augmenter sa capacité d’accueil. Des mesures de redistribution géographique ont été entreprises afin d’éviter la saturation des hôpitaux dans certaines régions.

Le pic des hospitalisations a été atteint début avril. Le 7 avril, 5 759 lits étaient occupés par des patients du coronavirus ; le 8 avril, 1 008 personnes se trouvaient sous respirateurs ; et le 9 avril, 1 285 personnes étaient en soins intensifs, le plus grand nombre pour l’instant. La Belgique comptait, le 22 mars, 621 lits de soins intensifs libres, sur les 943 recensés et étiquetés "Covid" (L’Echo, 2020). À la mi-mars, la Belgique comptait 2 169 respirateurs dans le pays, ce qui a aussi permis de répondre à la demande croissante. La capacité de lits en soins intensifs a été étendue à 1 800 lits afin de gérer la situation mi-avril.

Cependant, la Belgique a fait face à une pénurie de matériel de protection, notamment de masques, de gants et les blouses. Trois millions de masques FFP2 ont été commandés à un producteur chinois à la fin mars. Ceux-ci se sont révélés non conformes et donc inutilisables. Une livraison de cinq millions de masques a été annulée, car le fournisseur était "malhonnête". Face à la pénurie de masques, les autorités belges ont décidé de mettre à contribution les détenus du pays, qui auraient, jusqu’à présent, fabriqué 32 500 masques.

Un plan de déconfinement en trois phases avec des conditions strictes de dépistage et de traçage

La stratégie de déconfinement belge est composée de plusieurs phases, dont la mise en œuvre dépend des chiffres d’infections et de la situation dans les hôpitaux. Ainsi, le pays a choisi de suivre deux stratégies : d’un côté, une augmentation importante du dépistage ("testing") et de l’autre, le traçage ("tracing") des personnes infectées.

La Belgique a effectué très peu de tests au début de la crise sanitaire, avec seulement 3 930 tests réalisés la première semaine. Cela était aussi dû au fait qu’il n’y avait pas de gouvernement en place avant le 17 mars pour gérer la crise. Cependant, le pays a fait d’important efforts pour augmenter sa capacité de dépistage. Fin mars, la Belgique faisait 3 000 tests par jour, pour passer à plus de 10 000 mi-avril et plus de 25 000 le 9 mai, rapprochant le pays de la capacité de dépistage de l’Allemagne. Ainsi, la Belgique se trouve aujourd’hui dans le top 3 des pays européens au niveau du dépistage. Le passage à 25 000 tests PCR quotidiens, la distribution de masques et une méthode de traçage sont les conditions imposées par le gouvernement pour mettre en place les mesures de déconfinement, d’après un rapport du groupe d’experts pour la stratégie de sortie (GEES).

Le traçage est pourtant particulièrement complexe à cause du système fédéral belge, qui compte huit ministres de la Santé et une répartition des compétences de traçage entre le niveau fédéral et régional. Pour l’instant, le traçage se fait principalement par des centres d’appels, que les régions sont chargées de mettre en œuvre. La méthode utilisée, aussi appelée théorie des "bulles sociales", doit servir à rétablir un minimum de vie sociale tout en limitant les risques de propagation du virus. Ainsi, chaque foyer peut désigner 4 personnes extérieures avec lesquelles ses membres pourront entrer en contact. Cette mesure doit permettre de retracer la chaîne de contamination, même si la bonne application de cette mesure est quasiment invérifiable.

Comme dans beaucoup d’autres pays européens, la Belgique a également discuté la mise en place potentielle d’une application numérique de traçage. Deux avants-projets d’arrêtés royaux ont été soumis par le ministre de l’Agenda numérique, Philippe de Backer, qui viserait à encadrer, au niveau fédéral, l'utilisation d’applications de dépistage, et la création d’une banque de données de santé des citoyens chez Sciensano, l’institut national de santé publique. Cependant, des réserves ont été émises par l’Autorité de protection des données (APD) en ce qui concerne le cadre juridique de cette proposition ainsi que la protection des données.

Les tensions et conflits entre les Flamands et les Wallons ont été particulièrement forts lors des discussions concernant le plan de déconfinement. La Flandre, région la plus riche de la Belgique, était en faveur d’une ouverture rapide des écoles et des activités afin de réduire l’impact économique et scolaire. Les différences entre les Wallons et les Flamands sont telles que même les décisions les plus locales peuvent devenir une source de conflits. Ainsi, la décision de la ville de Bruxelles de créer des nouvelles pistes cyclables à Bruxelles afin de désengorger les transports publics, a été interprétée comme "anti-flamande" par le leader du NV-A, Theo Francken. En effet, les Flamands des alentours, qui travaillent à Bruxelles et prennent leur voiture, se verraient ainsi discriminés...

Malgré ces tensions, la première phase de déconfinement a pu être mise en place à partir du 4 mai et étendue le 10 mai. La Belgique est passée en phase 2 à partir du 18 mai, avec une reprise très progressive de l’enseignement. Finalement, la phase 3 devrait être la dernière phase de déconfinement à partir du 8 juin. Celle-ci concerne la réouverture des bars, restaurants et autres lieux de rassemblement, ainsi que la question des voyages "non-essentiels" à l'étranger.

Les tensions et conflits entre les Flamands et les Wallons ont été particulièrement forts lors des discussions concernant le plan de déconfinement.

La crise vient se greffer sur une situation économique difficile

La Belgique connaissait déjà avant la crise une situation particulièrement délicate en termes économiques. Le budget de l’État était déjà en déficit de 11 milliards d’euros, une somme à combler d’ici 2021. Désormais, en 2020, le déficit budgétaire pourrait atteindre 24 milliards. Cela représenterait deux fois plus qu’en 2019 et sept fois plus qu’en 2018. En 2020, le déficit public pourrait ainsi s’élever à 5 % du PIB, bien au-delà des 3 % autorisés par l’Union Européenne. Cependant, les règles européennes ont été revues afin de faire face à la pandémie, ce qui donne aux pays tels que la Belgique une marge de manœuvre plus importante pour faire face aux retombées économiques.

Depuis le début de la crise, les mesures prises par les différents gouvernements du pays ont déjà coûté 10,5 milliards d’euros en dépenses additionnelles. Selon les estimations de la Banque Nationale, chaque semaine de confinement entraîne une perte d’environ 4 milliards d’euros. La Belgique compte aujourd’hui plus d’un million de salariés en chômage temporaire et plus de 300 000 indépendants à l’arrêt.

En plus des mesures d’urgences déjà prises afin de soutenir les entreprises et les indépendants pendant le confinement, la Belgique s’attable lentement à une stratégie économique à plus long-terme. La stratégie fédérale de relance doit s'élever à 10 % du PIB et se base sur le modèle de décisions prises en France, Allemagne ou encore aux Pays-Bas. Ces mesures visent particulièrement à soutenir des secteurs lourdement touchés par les mesures de confinement, par exemple l'horeca (hôtellerie – restauration – café), le tourisme, la culture et l'événementiel. Cependant, la situation politique - avec un gouvernement de crise en fonction pour six mois - risque de compliquer les plans de relance à plus long-terme. Ainsi, les partis politiques se préparent à de nouvelles négociations, idéalement à partir de juin, pour pouvoir faire passer un plan économique avec un nouveau gouvernement à partir de septembre 2020. Autrement, la Belgique risque de nouvelles élections fédérales en octobre 2020.

Conclusion

La Belgique se trouve en pleine crise gouvernementale lorsque le virus apparaît sur son territoire. Pour répondre à la crise sanitaire, les principales forces politiques se sont accordées sur la formation d’un gouvernement minoritaire pour une période de six mois. Malgré une situation politique tendue - différences de positions entre les partis wallons et flamands exacerbées notamment lors des débats sur la stratégie de déconfinement - le gouvernement provisoire est parvenu à susciter la confiance de la population dans sa gestion de la crise.

 

 

Copyright : Kenzo TRIBOUILLARD / AFP

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