Le fait est que la République tchèque, avec sa cousine la Slovaquie, et après l’Autriche et la Hongrie qui, dans la région, avaient à l’époque déjà instauré des restrictions d’entrée sur leurs territoires, a été un des tout premiers pays en Europe à s’isoler en fermant très hermétiquement ses frontières pour se protéger de la menace en provenance de l’étranger. Avant qu’eux-mêmes n’en fassent de même un peu plus tard, certains pays en Europe de l’Ouest avaient critiqué ces choix de Prague et de Bratislava de se couper du reste du monde, se demandant s’ils étaient conformes au droit européen. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait, elle, mis en garde contre des décisions qu’elle estimait trop hâtives et disproportionnées. "Les interdictions de voyage générales ne sont pas considérées comme très efficaces par l’Organisation mondiale de la Santé", avait déclaré la cheffe de l’exécutif européen.
Le masque, un symbole
Pas très efficaces non plus, voire inutiles, étaient aussi considérés les masques de protection des voies respiratoires. Le débat sur la question a toutefois été de courte durée en République tchèque. Le port d’un masque ou au moins d’un foulard recouvrant bouche et nez a été imposé par le gouvernement dès le 19 mars. Quelques jours plus tard, l’hebdomadaire Respekt sortait avec en couverture le dessin d’une vieille machine à coudre et d’un masque portant l’inscription "Une Tchéquie forte". Face à l’importante pénurie de matériel de protection respiratoire, "les citoyens se débrouillent et s’entraident", soulignait le magazine. "Ces masques sont devenus le symbole de l’approche tchèque du coronavirus et de la prise de conscience du danger. Ils sont l’illustration de la défaillance du gouvernement qui n’a pas su se les procurer à temps, mais aussi de la capacité d’agir de la société civile, qui a réagi à sa manière."
Dans les rues, les transports en commun ou dans les commerces encore ouverts, il est alors devenu très rare, à Prague comme en pleine campagne, de voir des gens sortir hors de chez eux – où ils étaient tenus de rester autant que possible depuis l’instauration de la quarantaine une semaine plus tôt – et de se déplacer sans protection. Des masques aux motifs les plus divers ont fleuri partout dans le pays, tandis que des milliers de volontaires ont cousu dans l’urgence pour tous ceux qui en avaient besoin, des personnes âgées aux professionnels des services sociaux et parfois même de santé. "La Tchéquie est une puissance du masque", s’est réjoui Andrej Babiš qui, depuis, même lors de ses allocutions télévisées, et comme tous les autres dirigeants politiques et autres personnalités, n’est plus apparu autrement que masqué.
Parallèlement, en Slovaquie voisine, le 23 mars à Bratislava, lorsque le nouveau gouvernement formé par Igor Matovič a prêté serment, c’est masqués et même gantés que tous ses membres et la présidente de la République, Zuzana Čaputová (avec un masque framboise assorti à sa robe très remarqué par les médias internationaux), ont participé à la cérémonie solennelle avant de poser pour la postérité. L’image peut sembler anodine, mais elle résumait fidèlement, d’un côté comme de l’autre de la frontière, la volonté du plus grand nombre de respecter les nouvelles règles de vie en commun.
Même la fausse affaire des centaines de milliers de masques en provenance de la Chine destinés à l’Italie et prétendument détournés par la République tchèque, fausse accusation de vol largement reprise par de nombreux médias européens et notamment français, n’a pas remis en cause cette détermination.
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