Taiwan, dont l’effort de défense vise à dissuader une invasion chinoise, a annoncé pour 2021 un budget de 15 milliards de dollars, soit 2,4 % du PIB taiwanais (en hausse de 10 % après des années de quasi stagnation).
Or, dans ces annonces autour du budget chinois, un poste budgétaire crucial à l’estimation de l’effort chinois est comme toujours laissé dans l’ombre : le soutien public à la recherche et au développement pour l’industrie d’armement. Comment le calculer ? Aux États-Unis, ce poste a atteint en 2021 la somme record de 106,6 milliards de dollars, soit 15 % du budget officiel. En Corée du Sud, un pays techniquement en guerre, et dont l’industrie d’armement, comme celle de la Chine, regarde vers les marchés d’exportation, la R&D représente 7 % du budget de la défense. Si l'on se fonde sur ces deux comparaisons internationales et leur ordre de grandeur, on peut raisonnablement deviner une fourchette entre 14 et 31 milliards de dollars pour la R&D au service de l’industrie d’armement de la Chine.
A l’heure où la compétition technologique devient le principal théâtre d’opérations de la rivalité sino-américaine, la R&D de défense est une priorité absolue pour la direction d’un Parti qui a formulé la stratégie de "développement centré sur l’innovation", réaffirmée avec force dans le 14e plan quinquennal. Dès le 19e Congrès du Parti, Xi Jinping soulignait dans sa feuille de route à l’horizon 2050 que "nous devons être clairvoyants, la technologie est la capacité de combat centrale. Nous devons encourager l’innovation dans les technologies les plus importantes et innover de manière indépendante".
Tout indique que l’industrie d’armement chinoise est face à un tournant, qui va décupler l’importance déjà élevée de ses fondements scientifiques et technologiques nationaux. D’une part, son accès aux technologies duales occidentales va continuer de se tarir, à mesure que les restrictions américaines se renforcent. L’administration Trump a beaucoup agi sur ce dossier, en créant en particulier une liste des "entreprises militaires communistes chinoises", dont l’approvisionnement en technologies et en capitaux étrangers est sous surveillance renforcée. La liste inclut les grands conglomérats publics de défense, de Norinco à Aviation Industry Corporation of China (AVIC) en passant par China Aerospace Science and Industry Corporation (CASIC), mais aussi des entreprises privées comme Huawei et Hikvision.
D’autre part, le niveau atteint par l’industrie d’armement chinoise force l’admiration, et la ligne politique encourage la réduction de la dépendance, tout en employant de nouveau le langage maoïste de l’auto-suffisance. Cette évolution transforme la dynamique dans la relation de défense de la Chine avec son principal fournisseur, la Russie - on voit aujourd’hui, plus que des achats de systèmes d’armes (même si de nouvelles annonces ne sont pas à exclure), l’émergence d’une coopération industrielle sino-russe, par exemple au sein du projet chinois de construction d’un hélicoptère militaire lourd.
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