D’autres sont des provocations qui visent à rendre la tâche de Joe Biden et de la diplomatie américaine à partir d’aujourd’hui beaucoup plus difficiles. C’est le cas de l’ouverture renforcée à Taïwan et de la dénonciation du génocide des Ouïghours par la République populaire de Chine. On peut être d’accord sur le fond sur cette dernière question, mais il y a une volonté délibérée de Donald Trump de dire à son successeur : "Vous voulez revenir à une politique beaucoup plus modérée à l’égard de la Chine, mais je ne vous laisserai pas faire". Il sera difficile de revenir complètement en arrière sur ce point : Trump entend laisser un terrain miné sur la question des relations entre la Chine et les États-Unis.
Nous pouvons d’autre part nous demander si Mike Pompeo ne joue pas là sa carte personnelle pour préparer son avenir : nous savons que lui aussi a des ambitions. Il voit une opportunité si Trump et sa famille ne peuvent revenir sur la scène politique car ils sont embourbés dans les myriades de procès qui pourraient mettre en cause les liens entre les opérations financières du groupe Trump et les actes politiques du Président sortant, notamment autour de sa modération jugée parfois surprenante vis-à-vis de la Russie. Il se dit donc qu’il y a un espace à occuper, et qu’il pourrait être un candidat éventuel de consensus entre les Républicains les plus durs - les Trumpistes acharnés - et les Républicains classiques.
Le Président a quitté Washington le jour de l’inauguration pour se rendre en Floride, et a dit souhaiter beaucoup de chance à son successeur, alors qu’il a largement contribué à miner le terrain. Il s’attribue déjà les succès potentiels de Joe Biden dans la lutte contre la pandémie, et rend plus difficile la poursuite de la politique étrangère américaine, en particulier dans le domaine le plus important, celui de la relation à la Chine.
Pour conclure, je souhaiterais rappeler qu’en 2017, je m’étais opposé à une interprétation plutôt douce de la personnalité de Donald Trump. "Vous allez voir", entendait-on dans les milieux "bien informés", ce n’est pas un idéologue, il est pragmatique et beaucoup plus modéré que vous ne le pensez. Une fois président, il sera raisonnable, car seul le succès compte pour lui." Il me semblait qu’il ne fallait pas sous-estimer les capacités de déviance et de nuisance de l’homme qui, à mes yeux, restera le pire président de l’histoire des États-Unis. Les événements des quinze derniers jours ont été pour moi la confirmation de ces inquiétudes initiales. Aujourd’hui en 2021, j’aurais tendance à dire, à l’inverse, de ne pas sous-estimer les capacités de réussite de Joe Biden. Il est l’opposé absolu de son prédécesseur et amène avec lui l’équipe la plus professionnelle qui ait entouré un président américain depuis John Fitzgerald Kennedy. Les choses peuvent certes mal se terminer pour Biden. Mais il a la capacité avec son équipe d’initier des changements extraordinairement positifs. Et nous avons tendance de ce côté-ci de l’Atlantique à sous-estimer les cartes de Biden, comme nous avions tendance il y a quatre ans à sous-estimer le côté négatif de Trump.
Copyright : MANDEL NGAN / AFP
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