Il est révélateur que les ambassadeurs chinois et russe à Washington aient pris la plume ensemble (fait rare) dans le magazine National Interest pour dire tout le mal d’une initiative à laquelle ils n’ont pas été conviés, arguant qu’"aucun pays n'a le droit de juger le paysage politique mondial, vaste et varié, à l'aune d'un seul critère" - sans toutefois évoquer l’assaut du 6 janvier, que les médias russes et chinois avaient pourtant abondamment commenté. L’invitation de Taïwan en revanche - qui ne sera pas représenté par sa présidente Tsai Ing-wen contrairement à un grand nombre de pays mais par son représentant diplomatique de facto aux États-Unis, Hsiao Bi-khim - a suscité une levée de boucliers de la part du régime chinois.
Le choix d’un événement organisé uniquement en ligne, certes en partie du fait de la pandémie, le flou concernant les objectifs ainsi que le peu de détails fournis à moins d’une semaine du "Sommet" traduisent nettement la baisse d’ambitions de ce qui aurait dû être le grand Sommet de la première année de présidence Biden. On peut y voir la prise en compte des réticences exprimées par de nombreux alliés et partenaires des États-Unis, en Europe comme en Asie face à ce qui s’annonçait comme une "alliance des démocraties face à la Chine". La préoccupation chinoise de l’administration Biden n’a pas disparu, mais sa mise en œuvre politique s’est dessinée tout au long de l’année dans des formats plus restreints, que ce soit au sein du Quad du côté de l’Indopacifique ou via le Trade and Technology Council (TTC) pour ce qui concerne la relation transatlantique et les enjeux numériques face au modèle "techno-autoritaire". Dès lors, on a l’impression que le sommet de la semaine prochaine (9 et 10 décembre) sera davantage une série de déclarations de chefs d'État, peut-être même préenregistrées, et une conversation avec les sociétés civiles dans laquelle Washington s’efforcera de ne pas se poser en donneur de leçons - au prix d’un événement qui conduira sans doute à peu d’avancées concrètes, si ce n’est l’annonce de nouvelles initiatives sur la lutte contre la corruption l’année prochaine.
Il faut rappeler que l’état de la démocratie en Amérique est un sujet de préoccupation et d’inquiétude profonde pour l’administration actuelle, le parti démocrate, et pour beaucoup d’Américains. Il est clair que le président Biden ne souhaitait pas renoncer à sa promesse de campagne de tenir ce sommet dans sa première année de mandat ; par ailleurs, il fallait un accent sur la démocratie et les droits de l’homme après la débâcle du retrait d’Afghanistan, ou certains renoncements de la politique étrangère, face à la Russie par exemple. Il reste un sommet aux ambitions réduites et à l’agenda imprécis, dont le principal objectif semble être surtout de réaffirmer l’importance des valeurs démocratiques - quitte à ce que la mise en œuvre concrète se poursuive ailleurs, dans des formats plus réduits et plus efficaces.
Co-écrit avec Marin Saillofest, assistant chargé d’études au programme États-Unis.
Copyright : Samuel Corum / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
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