Sur trois sujets majeurs, Trump et Macron ont semblé partager la même approche, à savoir la nécessité d’un effort accru de défense de la part des Européens, celle aussi de redéfinir les missions de l’OTAN en direction du terrorisme et enfin la relation "à repenser" avec la Russie. Sur le premier de ces trois sujets, le Français cherche à concilier esprit atlantique et autonomie stratégique européenne en faisant valoir que cette dernière doit pouvoir constituer le "pilier européen de l’alliance".
L’autre grand fauve, Recep Tayyip Erdogan, est resté plus discret. Il a renoncé à bloquer les plans de défense de la Pologne et des États baltes, qu’il tenait en otage pour obtenir la reconnaissance du caractère terroriste de la branche syrienne du PKK. Il doit se contenter sur ce point, dans le communiqué final, d’une formule qu’il sera le seul à interpréter comme allant vaguement dans son sens. Sur les instances de M. Johnson, il a accepté de rencontrer au 10 Downing Street, Angela Merkel, Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique. Cette rencontre doit marquer, sont-ils convenus, le début d’un processus "E3+Turquie", évidemment très souhaitable.
Deux lectures pour un sommet
Ainsi, au total, la fête n’a pas tourné au drame. La famille n’a pas éclaté. Beaucoup de bruit pour rien ? C’est une interprétation possible. Donald Trump a souscrit au communiqué du sommet qui, entre autres, réitère l’engagement de défense collective inscrit dans l’article 5 de la Charte et mentionne les "actions agressives" de la Russie. D’autres éléments plus novateurs du communiqué – la mention des nouveaux défis technologiques, la référence à l’espace comme nouvelle dimension des conflits et surtout la prise en compte de la puissance montante de la Chine – peuvent être perçus comme des signes de vitalité de l’organisation et un gage que l’Amérique, malgré son recentrage stratégique vers l’Asie, continuera à trouver un intérêt dans le lien avec la vieille Europe.
Des grandes idées du Président français, il reste assez peu de choses dans le communiqué final. Emmanuel Macron avait proposé la constitution d’un groupe de sages pour procéder à une révision stratégique des finalités de l’OTAN. Un mécanisme de ce type figure bien dans le communiqué final mais sous une forme atténuée, laissant présager une ferme intention de la part des conservateurs dans l’Alliance de contrôler l’exercice, et probablement de le banaliser, sur fond de paysage politique européen peu propice aux percées stratégiques (Allemagne, Royaume-Uni). D’ailleurs, au moment même où les leaders de l’OTAN étaient réunis, on apprenait que la présidence finlandaise de l’UE proposait une réduction de moitié de la dotation du Fonds Européen de Défense – exemple flagrant des limites de la pédagogique française sur "l’autonomie stratégique".
Une lecture plus positive des résultats de ce sommet ne doit cependant pas être écartée. "Le chat est sorti de sa boîte" a tweeté notre ambassadrice auprès de l’OTAN, voulant dire par là qu’il se sera pas si évident de refermer la discussion ouverte par Emmanuel Macron. Un représentant au-dessus de tout soupçon de l’establishment atlantiste, l’ancien ambassadeur de Sa Majesté Peter Rickett, soutient dans le Financial Timesqu’Emmanuel Macron a eu raison de "bousculer le pot de fleur" (reprenant une expression du Général de Gaulle). À Londres même, les propos de la Chancelière Merkel ou du Président polonais ont montré des signes d’ouverture. On avancera que quatre facteurs pourraient dans les prochains mois favoriser une prise de conscience et donc le développement d’un vrai débat intra-européen et transatlantique.
- "La menace Trump" : si les participants au sommet ont été soulagés du ton exceptionnellement positif du Président américain, ils ont pu noter aussi que celui-ci n’a pas abandonné sa rengaine sur les dépenses militaires supplémentaires qu’il attend des Européens. Il a même menacé ceux-ci – cela vise en priorité l’Allemagne – de sanctions commerciales s’ils n’atteignaient pas l’objectif de 2 % de leur PIB consacrés à la défense.
Autrement dit, l’une des raisons invoquées par le Président français pour refonder la défense européenne – l’approche transactionnelle américaine se substituant à l’engagement inconditionnel de jadis – va rester d’actualité pour l’avenir prévisible ;
- Le jeu français : l’interview à The Economist prenait à rebrousse-poil à peu près tous nos partenaires. Dans sa conférence de presse à l’issue du sommet de Londres, Emmanuel Macron s’est livré au contraire à un exercice très maîtrisé, notant que l’amélioration du dialogue avec Moscou était conditionnée par une "précondition" ( l’Ukraine) et affirmant sa volonté de tenir compte des intérêts de sécurité des pays d’Europe centrale et nordique. Il a marqué un point vis-à-vis de ceux-ci en proposant un rôle européen dans la négociation d’un nouvel accord FNI (missiles de portée moyenne emportant des armes nucléaires) et en observant que les États d’Europe centrale étaient directement sous la menace des missiles russes Iskander ;
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