On peut se demander s’il fallait prendre le risque de conclure et de présenter ce rapport en pleine pandémie, alors que les chocs que cette dernière a suscité sont encore loin de s’être dissipés. L’élaboration de GT-2040, du fait des circonstances sanitaires, ne résulte pas de consultations d’experts aussi diversifiées et approfondies que ce n’était le cas pour les rapports précédents. Il est moins imaginatif que ses prédécesseurs.
De surcroît, si les précédents rapports ont parfois péché par excès d’optimisme, celui-ci semble presque faire l’impasse sur l’hypothèse d’un "choc optimiste" dans les années 2020, lorsque la pandémie de Covid-19 sera derrière nous. Toutefois, sur les cinq grands scénarios proposés pour 2040, trois apportent une note d’optimisme. Si "Un monde à la dérive" est basé sur la poursuite des tendances actuelles, et "Silos séparés" décrit une planète divisée en sphères d’influence, "Coexistence compétitive" voit deux blocs coopérer sans conflit majeur, "Tragédie et mobilisation" - le plus inventif - imagine un partenariat sino-européen pour le multilatéralisme et le développement se développer à la suite d’une grave catastrophe alimentaire mondiale, et "Renaissance des démocraties" imagine la restauration d’un ordre libéral.
On notera que dans sa substance, GT-2040 n’est pas sans rappeler l’excellent rapport de prospective de l’Union européenne à l’horizon 2030, publié il y a deux ans. Au moins peut-on dire, comme l’observe Florence Gaub, directrice adjointe de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne (et principal architecte du rapport de l’UE), que les penseurs des administrations américaine et européenne n’envisagent pas l’avenir de manière radicalement différente.
Quid de l’Europe, justement, selon GT-2040 ? Son économie devrait s’être rétablie en 2025, mais non sans une fracturation de son paysage politique, et une persistance du populisme notamment en Europe centrale et orientale. Le NIC est plus optimiste qu’il ne l’était par le passé sur l’avenir de l’Union, notamment du fait de la sortie britannique, qui estime toutefois improbable qu’elle soit à la veille d’un saut qualitatif dans les domaines de la sécurité et de la défense. Il s’inquiète par ailleurs de l’influence russe dans les pays du sud-est du continent. À l’horizon 2040, l’Europe sera, selon le NIC - et sans surprise - "plus chaude, plus riche, plus âgée, et moins chrétienne". Sa première ville serait Istanbul, suivie par… Paris.
N.d.A : ce billet est issu d’une note écrite pour le Haut-Commissaire au Plan.
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