La principale difficulté pour Biden va être de maintenir l’unité de son camp, menacé par la pression divergente des progressistes et des élus plus centristes. Il ne peut perdre que 3 voix à la Chambre, et zéro au Sénat. Or, si les activistes du climat ont applaudi les initiatives du plan, ils l’ont également critiqué comme largement insuffisant, notamment par la voix d’Alexandria Ocasio-Cortez. Dans le même temps, les démocrates centristes exprimaient leurs inquiétudes vis-à-vis de certaines mesures, notamment sur le plan fiscal. Côté républicain, McConnell a dénoncé d’emblée un plan "cheval de Troie" pour les priorités les plus "radicales" du parti démocrate. Le parti républicain refuse de considérer les infrastructures au-delà des "routes, ponts, ports et aéroports", dénonçant le reste du plan comme "un ramassis de demandes progressistes dispendieuses" : les Républicains porteront certainement le débat sur le terrain des guerres culturelles pour justifier une obstruction attendue.
Joe Biden a cependant un avantage de taille, le meilleur atout qu’un président puisse avoir face au Congrès : le soutien des électeurs. Sa popularité est à 61 %, stable depuis trois mois et même en hausse sur l’économie, où la part d’Américains lui faisant confiance est passée de 55 % à 60 %. Elle est de 73 % pour la gestion de la pandémie, dont plus de 50 % de Républicains, fait notable. Rappelons que Trump n’est jamais passé au-dessus de 50 % d’opinions favorables pendant toute la durée de son mandat.
Dans tous les cas, l’annonce du plan n’est que le début d’un marathon de plusieurs mois au Congrès, avec des négociations dans chaque chambre, tout particulièrement entre Démocrates, et notamment au Sénat, puis entre les deux chambres pour arriver à une version commune, qui ressemblera plus ou moins au projet actuel.
Que dit ce plan de l’ambition et de la méthode Biden ?
L’ambition de cette loi s’explique d’abord par les contraintes institutionnelles et politiques du système américain et l’étroitesse des marges démocrates au Congrès. Les prochaines élections au Congrès auront lieu dans 18 mois, la bataille des primaires a commencé dans certaines circonscriptions, et la fenêtre d’action se réduit déjà. La contrainte propre du filibuster au Sénat, qui porte concrètement la majorité à 60 voix, n’a que deux exceptions : les nominations et la procédure budgétaire dite de "réconciliation" (qui pourra encore être utilisée deux fois cette année).
D’où ce plan qui, à une époque antérieure de la vie politique américaine, aurait fait l’objet de plusieurs lois distinctes. La loi de soutien déjà votée comportait également, outre des mesures de relance (dont le chèque de 1 400 dollars), des volets éducation et politique familiale, ce qui expliquait la disproportion avec le paquet européen par exemple. L’absence de "filet de sécurité" en termes de protection sociale côté américain a été rendu encore cruellement visible par la pandémie aux États-Unis : il y a bien côté démocrate la volonté de "profiter du moment" pour faire passer des priorités démocrates de longue date.
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