Il comprend des membres plutôt pro-russes comme le ministre des Affaires étrangères, mais aussi des éléments pro-occidentaux, comme les ministres du "bloc économique", note Ekaterina Entina, qui ne s'attend pas à un changement radical dans la politique étrangère du pays, même si elle admet que le contrôle de l'entreprise pétrolière serbe NIS par Gazprom-neft constitue un irritant pour l'opinion serbe. Fait notable, depuis qu'elle a envahi l'Ukraine, relève Maxim Samoroukov, la Russie s'est abstenue d'utiliser les leviers dont elle dispose, en Serbie et dans la république serbe de Bosnie-Herzégovine, pour déstabiliser la situation dans les Balkans occidentaux et ouvrir un nouveau front contre l'Union européenne. Pour le chercheur de la Carnegie, ni le Président Vučić, ni le dirigeant des Serbes de Bosnie Dodik, ni les responsables pro-russes du Monténégro ne sont prêts à mettre en question leur position avantageuse d'équilibre entre la Russie et l'UE et à pratiquer un "aventurisme géopolitique" pour venir en aide à Moscou. Tenter de leur forcer la main pourrait s'avérer contreproductif, analyse Maxim Samoroukov.
L’impasse du dialogue Serbie/Kosovo
L'appui diplomatique apporté par Moscou à Belgrade, notamment aux Nations Unies pour freiner le processus de reconnaissance internationale de l'État kosovar, qui a proclamé son indépendance en 2008 - et à laquelle Belgrade s’oppose toujours - milite en faveur du maintien d'une relation étroite entre les deux capitales. La déclaration de Tirana appelle la Serbie et le Kosovo à surmonter leurs contentieux historiques, autre obstacle de taille à l'intégration de la région. Albin Kurti, le premier ministre kosovar, a annoncé le dépôt avant la fin de l'année de sa demande d'adhésion à l'UE, alors que cinq États-membres n'ont toujours pas reconnu le Kosovo. Peu avant le sommet de Tirana, Josep Borrell a proposé une normalisation des relations entre Belgrade et Pristina sans reconnaissance de jure, formule inspirée par l'exemple des deux Allemagne à l'époque de la guerre froide, qui avait permis l’admission de la RFA et de la RDA à l’ONU.
Cette absence de normalisation des relations entre Belgrade et son ancienne province provoque régulièrement des conflits au nord du Kosovo, où vivent encore plusieurs dizaines de milliers de Serbes. Les mesures à l'origine du récent regain de tension (plaques d'immatriculation, documents d'identité, élections municipales) ont été reportées sous la pression internationale, mais elles ont provoqué la démission des fonctionnaires serbes des administrations kosovares et, ces derniers jours encore, des manifestations violentes. Pour leur part, les autorités de Pristina n'ont pas mis en œuvre une disposition de l'accord signé en 2013 à Bruxelles, avec la médiation de l'UE, qui prévoyait l’octroi d’une certaine autonomie à la communauté serbe par la création d'une "association des municipalités serbes" (AMS). Alors qu'en Serbie, l'attrait exercé par l'UE sur l'opinion est désormais minoritaire et que le pays connaît une régression démocratique, des gestes réciproques (normalisation par Belgrade de ses relations avec le Kosovo et établissement par Pristina de l'AMS) pourraient contribuer à faire baisser la tension et donner de l’élan au processus d'adhésion à l'UE des deux pays.
Copyright : Ludovic MARIN / AFP
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