Les exportations allemandes en Russie, qui ont atteint en 2012 un pic (38,1 Mds€), ne représentent plus en 2021 que 26,6 Mds€ et, pour les sept premiers mois de l'année, elles sont encore en net repli (9,3 Mds€).
L'arrêt des importations de charbon et, en fin d'année, de pétrole russes et le maintien probable des sanctions européennes à l’encontre de la Russie devraient réduire drastiquement, dans l’avenir prévisible, le commerce germano-russe. Selon l'Ostauschuss, la commission du patronat allemand en charge des relations avec l’Est (Europe centrale et orientale, Asie centrale), le volume des échanges avec cette zone au premier semestre 2022 avoisine 280 Mds€ (+14 % par rapport à 2021), la Pologne confirme sa première place avec un montant de 81 Mds€ (+13 %), suivie par la République tchèque (51 Mds€). Globalement, le commerce avec l'Europe centrale s'élève à 186,8 Mds€, soit un montant sensiblement supérieur aux échanges avec la Chine, qui atteignent 149 Mds€ au cours du premier semestre. Pendant cette période, la baisse des échanges avec l'Ukraine a été limitée à 11 %. D'après Michael Harms, responsable de l'Ostauschuss, les entreprises allemandes, présentes en Ukraine, notamment dans le secteur automobile, s'efforcent de maintenir la production dans les régions peu affectées par la guerre. Le patronat allemand, en liaison avec le gouvernement fédéral, prépare la 6ème conférence économique germano-ukrainienne prévue en octobre à Berlin.
À Moscou, le doute persiste sur l’ampleur de la "Zeitenwende"
Les experts russes ont recours à leur grille de lecture géopolitique habituelle. Jusqu'aux élections, le futur chancelier s'était engagé à poursuivre la ligne de W. Brandt, mais "Berlin a définitivement réduit une politique orientale dynamique et multiforme exclusivement au soutien à Kiev", note Alexander Davydov, chercheur au MGIMO. "En se soumettant au principe du consensus transatlantique, Berlin a enclenché un processus de destruction forcée de ses relations avec la Russie (...). Les responsables politiques allemands leur ont substitué le soutien prioritaire à Kiev, notamment avec des livraisons d'armes. La politique ukrainienne de la RFA est devenue un levier avec lequel l'Allemagne a décidé de changer de position en Europe, sans être toujours consciente des coûts de ce changement", déplore Artiom Sokolov, expert du club Valdaï.
Le discours d'Olaf Scholz à Prague peut donc être interprété à la fois comme une réponse à ceux qui veulent une "transformation géopolitique de l'UE" et comme un signal aux "néo-atlantistes", convaincus qu'une UE plus forte et autonome correspond aux intérêts des États-Unis, afin d’éviter d’avoir à choisir, analyse Andreï Kadomtsev. Jusqu'en février, Scholz a tenté, selon ce politologue proche du MID, de "maintenir une ligne pragmatique et prudente", mais il a pris conscience de la "profondeur du gouffre existant entre les prétentions de l'Allemagne à devenir ces dernières années la puissance dominante de l'UE et ses capacités assez limitées au plan international".
La politique de l'Allemagne a provoqué une "crise de confiance" chez ses partenaires, en Pologne particulièrement, sa traditionnelle diplomatie économique a échoué, relève Andreï Kadomtsev, qui n'exclut pas que le discours de Prague ait en réalité pour objectif "d'alerter sinon d'inquiéter ses voisins de l'UE et les États-Unis", compte tenu de leur expérience avec le "leadership allemand" (guerres mondiales et, plus récemment, crises de la dette et des migrations), et donc de faire retomber la pression que ses partenaires exercent sur Berlin pour un engagement plus fort dans le soutien à l'Ukraine. Expert de l'Académie des sciences, Viatcheslav Belov, reste sceptique sur la capacité de l'UE à réformer ses procédures, la "suppression du droit de veto", qui au demeurant figure dans le contrat de coalition, note-t-il, provoquerait un "changement qualitatif des rapports de force" au sein de l'Union, elle se heurtera, selon lui, à la résistance des pays d'Europe centrale et des États baltes.
Copyright : INA FASSBENDER /AFP
Ajouter un commentaire