Mais, en 2021, le Japon doit son retour en grâce international, aux yeux de Washington, au défi chinois. Tokyo n'a certes pas été convié à joindre l'alliance trilatérale Aukus entre l'Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni. Et même si l'Otan élargit désormais ses missions au "containment" de la Chine, il n'est pas question que l'organisation atlantique s'ouvre directement à de nouveaux membres issus de la zone pacifique. Mais ces restrictions pourraient-elles disparaître avec le temps ? Voire laisser place à l'institutionnalisation d'une "alliance des démocraties" qui confirmerait le Japon dans son statut d'allié principal des États-Unis ?
Aux premières loges du théâtre chinois
De fait, le Japon coche de nombreuses cases aux yeux de Washington. Il possède un système démocratique stable, en dépit de ses lourdeurs et de ses paralysies. Troisième économie mondiale, après les États-Unis et la Chine, le Japon a un statut incontestable de puissance globale, et ce, à un moment où il devient de plus en plus difficile de distinguer géo-économie et géopolitique. Et, bien sûr, le Japon a la bonne géographie, aux premières loges du nouveau théâtre du monde, c'est-à-dire au plus près de la nouvelle menace qui pèse sur le monde : la Chine.
Tous les Japonais ne se réjouissent pas de cette "promotion" officieuse. Certains mêmes s'inquiètent des conséquences de ce nouveau statut. Alors que le nombre des survivants des bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki se réduit naturellement avec le temps, le Japon pourrait-il être tenté de mettre fin au tabou que constitue l'arme nucléaire pour renforcer sa capacité de dissuasion face à la Chine ? On est encore très, très loin de ce schéma. Le gouvernement du nouveau Premier ministre, Fumio Kishida - qui doit d'abord survivre aux élections générales du 31 octobre prochain -, a clairement d'autres priorités qui sont d'ordre interne. Ironiquement, elles semblent répondre à la problématique développée par la série coréenne "Squid Game" : face à l'explosion des inégalités entre les plus riches et les plus pauvres, comment faire pour promouvoir une redistribution plus égale des revenus ?
Le Japon a l'habitude de faire face avec solidarité et résilience aux déchaînements de la nature. Mais, face à ce tremblement de terre de nature géopolitique que constitue l'irrésistible montée en puissance de la Chine, et devant ce nouveau statut que vient de lui conférer Washington, le Japon fait un peu penser à l'Union européenne. Il ne court pas se mettre aux abris, mais ne se précipite pas non plus pour assumer des responsabilités de sécurité nouvelles.
Avec l'aimable autorisation des Échos (publié le 24/10/2021).
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