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09/04/2019

Le grand débat national, et après ?

Trois questions à Olivier Duhamel

Le grand débat national, et après ?
 Olivier Duhamel
Ancien Président de la FNSP (Sciences Po)

Le Premier ministre a présenté, lundi 8 avril, les premières conclusions issues du grand débat national. Ces résultats devraient ensuite se traduire en propositions de politiques publiques par l'exécutif. Néanmoins, les doutes subsistent quant à la capacité du président de la République à faire de cette concertation un véritable outil de démocratie participative. Quelles seront les conséquences concrètes du grand débat national ? Celui-ci permettra-t-il de répondre aux attentes des citoyens ? Olivier Duhamel, président de la FNSP (SciencesPo) et contributeur sur les questions politiques et institutionnelles à l'Institut Montaigne, répond à nos questions.

Le grand débat s’est achevé à la mi-mars et l’on attend désormais les réponses du Président. La stratégie choisie par l’exécutif ne risque-t-elle pas d’encourager une forme d’impatience?

Les médias sont toujours pressés, et plus obsédés par le lendemain qu’intéressés par le présent. Ils ont donc du mal à comprendre et admettre les distinctions entre :

  • l’annonce d’un grand débat national
  • son organisation, la fixation de thèmes, la désignation de garants, etc
  • sa mise en œuvre sur Internet, dans les mairies, sur les marchés, par les citoyens eux-mêmes
  • le déroulement de conférences citoyennes au niveau régional
  • la collecte des résultats et sa restitution ordonnée
  • les débats au Parlement
  • la présentation des grandes lignes de la restitution par le Premier ministre
  • l’annonce des décisions par le président de la République

Cette temporalité s’est avérée nécessaire et parfaitement justifiée.

Quelle marge de manœuvre l'exécutif a-t-il pour offrir des réponses crédibles aux yeux des Français ?

Les marges de manœuvre financières sont supposées faibles, encore que la nécessité d’éviter une crise sociale majeure l’emporte sans doute sur toute autre forme de considération. Les marges de manœuvre politiques sont dites limitées, encore que le Président puisse s’affranchir de certaines promesses de campagne en expliquant pourquoi. Les marges de manœuvre psychologiques laissent à désirer, encore que le moment est sans doute venu pour le Président de changer profondément sa manière de gouverner. Les marges de manœuvre réduites par la capacité de réformer en profondeur peuvent, pour certaines d’entre elles, être surmontées par beaucoup d’énergie, d’explication et de concertation. Remettre à plat tout le système fiscal est hors d’atteinte. Reculer maintenant l’âge de départ à la retraite, suicidaire. Mais prendre des mesures immédiates et attendues, telles l’indexation des retraites ou l’assouplissement de la limitation de vitesse à 80 km/h est parfaitement possible. Et engager des réformes de fond pour rapprocher les décisions des citoyens, déconcentrer massivement l’État, inventer des mécanismes de démocratie participative sans détruire la représentative, telle la LIC, loi d’initiative citoyenne, tout cela est possible et nécessaire.

Comment répondre aux attentes sans décevoir ?

Mais la déception a été anticipée. Près des deux tiers des Français pensent que "le Président et le gouvernement ne prendront pas en compte les résultats du Grand Débat national" (Opinion Way 27-28 mars). Ils ne seront donc pas déçus puisqu’ils le sont – par anticipation. Autrement dit, si plus de 35 % des Français estiment que le pouvoir a pris en compte le Grand Débat, ce sera une victoire. Cela dit, le microcosme ne raisonnera pas comme cela. Il oubliera ce scepticisme initial et martèlera la déception. Heureusement, les Français ne suivent pas toujours les préjugés ou le faux bon sens du sérail.

 

Copyright : Philippe LOPEZ / AFP

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