Comme si cela ne suffisait pas, il subsiste une certaine dissonance franco-allemande, sur ce dossier comme sur d’autres. A Pékin, Angela Merkel s’est plus exprimée sur les droits de l’Homme que ne le font les Français : c’est une habitude, et ses hôtes ont pris également l’habitude de tolérer ces propos, même si la réception ultérieure de l’activiste hongkongais Joshua Wong à Berlin est moins bien passée. Mais elle a été très discrète sur les dossiers économiques – se réservant pour les deux sommets UE-Chine que l’Allemagne présidera en 2020, y compris en tant qu’hôte à Leipzig. À Bruxelles, on s’inquiète d’une mainmise allemande sur des négociations dans laquelle l’Allemagne a des intérêts particuliers : l’industrie automobile, par exemple, est littéralement otage du marché chinois. Les enjeux allemands sur les services sont moins importants que ceux de la France et d’autres pays européens. La faiblesse d’Angela Merkel sur la 5G montre qu’elle peut être tentée d’opter pour des accords a minima.
Dispersée, l’Europe pèse moins dans des négociations avec la Chine – comme d’ailleurs avec les États-Unis ou la Russie. Là encore, Emmanuel Macron veut tracer une voie européenne : la présence d’un commissaire européen et d’un ministre allemand dans sa délégation en Chine le prouve. Il se montre bien plus disposé que tous ses prédécesseurs à valoriser l’Europe. C’est aussi une prise de risque : en France, à cause de tous ceux qui le traiteront de naïf ou de fédéraliste. En Europe, l’indécision actuelle de l’Allemagne dans sa politique étrangère a besoin de se justifier en invoquant le pragmatisme et les intérêts économiques immédiats, même si c’est une attitude à courte vue. En Chine, il serait étonnant que les dirigeants chinois accordent un crédit immédiat à la défense d’une politique européenne unifiée et réaliste. Ils s’accommodent assez bien d’une Europe soit divisée, soit manquant encore de moyens pour défendre ses positions.
Rien n’est joué, ni sur cette visite, ni sur le devenir de la politique chinoise de l’Europe : les dirigeants chinois devraient méditer, qu’en temporisant sur toutes les négociations passées avec l’Europe, ils ont perdu beaucoup de crédit face à leurs interlocuteurs et dans les opinions publiques européennes. Les sondages le montrent, Emmanuel Macron a bien plus de crédibilité personnelle dans ces mêmes opinions publiques que ne le suggèrent des commentateurs politiques désabusés. C’est un interlocuteur qui comptera encore pour la Chine dans l’avenir, tout au moins si celle-ci accorde la moindre attention à l’Europe.
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