Ce choc procède de facteurs multiples : reprise économique (notamment en Asie), difficultés "techniques" dans les livraisons de gaz russe, éoliennes en "berne" par défaut de vent et insuffisance de capacités, doublement du prix du CO2 depuis le début année, etc. De telles circonstances pourraient se banaliser dans la décennie en cours. Et, rien ne garantit que la traversée du prochain hiver sera sereine, en fonction de la capacité à rehausser le niveau des stocks de gaz (à l'aune de la "géopolitique commerciale" russe), des caprices d’Éole, et naturellement du degré de rigueur hivernale.
En cette fin d’année 2021, le coût de l'énergie en Allemagne est d’ores et déjà à son plus haut niveau depuis 2012. Un comparateur de prix, Verivox, considère que sa progression est de 20 % depuis août 2020, pesant plus de 4 000 euros par an pour un ménage de trois personnes. Selon ce portail, 32 fournisseurs de gaz régionaux ont annoncé des augmentations de prix de 12 % en moyenne pour septembre et octobre, reflétant une forte montée du coût des importations (plus de 50 % depuis janvier, selon l'Office fédéral allemand de l'économie et du contrôle des exportations).
Un sujet au cœur des négociations pour former la prochaine coalition
Cette progression générale du budget énergétique des ménages ne peut que conduire à une attention particulière au prix de l’électricité.
Dans son dernier rapport de suivi, le BMWi décrit la trajectoire qui devrait permettre de contenir le prix de l’électricitén : "le gouvernement fédéral s'efforce de rendre la transition énergétique aussi efficace et rentable que possible, en ayant réduit la surcharge EEG de 6,88 à 6,79 ct/kWh en 2018, avec une nouvelle réduction à 6,41 ct/kWh en 2019. En 2020, elle s'est élevée à 6,76 ct/kWh. Les recettes de la tarification nationale du CO2 et les subventions du paquet de relance économique et d'avenir réduiront la surtaxe EEG à 6,5 ct/kWh en 2021 et à 6,0 ct/kWh en 2022". Cela dit, comme cette baisse sera en partie compensée par les recettes de la taxe carbone introduite début 2021, laquelle renchérit le chauffage au fioul et le carburant pour les ménages, ce transfert ne réduira pas nécessairement la pression sur le budget énergie.
L’activation plus "dynamique" des leviers budgétaires directs (Energie und Klimafonds) et des prêts gérés par la banque publique d’investissement (KfW) devra sans doute faire partie de la nouvelle équation du financement, compte tenu du rehaussement des objectifs de décarbonation à l’horizon 2030. Évidemment, ce transfert vers le budget (et la dette) d’une part de l’effort, sera un sujet sensible pour former la prochaine coalition.
Certes, le soutien général à la politique climatique reste élevé (l’Allemagne étant de surcroît pionnière dans les projets d’énergie citoyenne) et devrait se traduire en une "disponibilité à payer" pour la transition, plausiblement plus encore après les inondations tragiques de l’été 2021. Mais, l’expérience française des "gilets jaunes" peut conduire à s’inquiéter des effets sur le pouvoir d'achat d’une accélération de la transition énergétique, en particulier d’une augmentation de la tarification du CO2. Cela d’autant plus que la plupart des mesures de la politique énergétique et climatique allemande, qu'il s'agisse des subventions photovoltaïques, des subventions pour la rénovation énergétique des bâtiments ou des primes à l'achat de véhicules électriques, redistribuent les revenus… "du bas vers le haut".
Ce qui nous conduira, dans les prochaines semaines, à nous pencher sur la résolution de ce problème de "quadrature du cercle" par la nouvelle coalition. Nous aurons, entretemps, examiné dans notre prochain article, l’Energiewende au prisme de la politique industrielle allemande.
Copyright : JOEL SAGET / AFP
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